Menaces de viol et de mort : la jeune Mila encore harcelée pendant ses vacances 

Par Hadrien Mathoux

Publié le 08/09/2020

 

https://www.marianne.net/societe/menaces-de-viol-et-de-mort-la-jeune-mila-encore-harcelee-pendant-ses-vacances

Harcelée en janvier dernier, la jeune Mila a de nouveau été agressée lors de ses vacances à Malte le 15 août.

 

L'adolescente, déscolarisée en janvier après avoir subi une vague de cyber-harcèlement pour avoir insulté la religion musulmane, a de nouveau été prise à partie le 15 août dernier. Reconnue lors d'un séjour linguistique à Malte, Mila a été menacée de mort et de viol "au nom d'Allah". L'agresseur a été condamné à 1 an de prison avec sursis.

Le chemin de croix se poursuit pour Mila. Au début de l'année, l'adolescente de 17 ans s'était retrouvée au centre d'une polémique nationale : après avoir déclaré sur le réseau social Instagram que l'islam était une "religion de merde", elle avait subi une violente vague de harcèlement numérique : insultes homophobes, menaces de mort, appels au lynchage.

En juin, trois adolescents impliqués ont été mis en examen pour harcèlement. Sa sécurité ne pouvant être assurée, la lycéenne avait été déscolarisée de son établissement. L'Education nationale ayant été incapable de lui trouver rapidement un lieu de substitution, Mila est désormais "obligée de suivre ses études dans un internat sécurisé", indique Le Canard enchaîné qui paraît ce mercredi 9 septembre. De plus, la jeune femme peut désormais être importunée à tout moment.

L'agresseur condamné à un an de prison avec sursis

En effet, le journal satirique révèle que Mila a été "reconnue dans un restaurant de son hôtel" par un jeune homme le 15 août, alors qu'elle participait à un séjour linguistique à Malte. L'intéressé lui a demandé si elle était bien Mila, et après confirmation, l'a violemment injuriée : le Canard enchaîné évoque des menaces "de mort et de viol", telles que : "On va te violer dans une cave", "Je vais violer ta mère", des insultes proférées "au nom d'Allah", a précisé Mila. "Que je ne te revoie pas, sinon je vais t'étrangler", a conclu l'individu vindicatif, après avoir menacé la lycéenne de diffuser sur les réseaux sociaux le lieu où elle passait ses vacances. Le responsable du séjour linguistique a aussitôt averti la police et l'agresseur, qui réside en France, a été arrêté le lendemain dans sa chambre. Il a reconnu les faits et été condamné à un an de prison avec sursis.

L’affaire Mila, une défaite pour la République

Publié le 29/01/2020

https://www.marianne.net/debattons/billets/l-affaire-mila-une-defaite-pour-la-republique

 

Razika Adnani

Razika Adnani : biographie, actualités et émissions France Culture

Philosophe, islamologue et auteur de nombreux ouvrages.

Le dernier, Islam : quel problème ? Les défis de la réforme, est paru en 2017 aux éditions

UPblisher (France) et en 2018 aux éditions Afrique Orient (Maroc).

 

La philosophe franco-algérienne Razika Adnani revient sur l'affaire Mila et le droit au blasphème.

 

La philosophe franco-algérienne Razika Adnani revient sur l'affaire Mila et le droit au blasphème. Pour elle, cette histoire illustre l'influence néfaste du fondamentalisme islamique et islamiste.

Mila, une jeune fille de 16 ans, a été harcelée par des menaces de violences et de mort parce qu’elle a critiqué l’islam. C’est inacceptable mais aussi très inquiétant. Les jeunes qui ont proféré ces menaces sont des Français. De jeunes Français pensent donc que l’islam, leur religion, prime sur les valeurs et les lois de la République qui garantissent la liberté de s’exprimer et de blasphémer. En appelant à la violence et au meurtre, ils veulent se faire justice eux-mêmes et ainsi se substituer au droit. Le problème est plus grave encore étant donné que des non musulmans trouvent que Mila mérite ce qui lui arrive, car elle a provoqué par ses propos. De plus en plus la provocation revient dans les discours pour justifier les agressions et les violences. Ainsi, certains trouvent normal que la liberté de s’exprimer soit bafouée ou que les individus se substituent à la justice et que chacun punisse lui-même celui qu’il estime lui causer du mal. Voilà pourquoi cette affaire n’est pas seulement une menace contre Mila, elle est également une menace contre la République.

L'INFLUENCE FONDAMENTALISTE 

Quand bien même Mila aurait commis une erreur ou offusqué certains, dans une société civilisée les individus ne punissent pas les autres individus. Personne n’a le droit de tuer ou d’appeler au meurtre parce qu’il n’apprécie pas ce qui se dit ou se fait. Cela n’empêche pas d’exprimer son désaccord, de critiquer ce qu’on n’aime pas à condition que cela se fasse dans le débat argumenté et l’échange fondé sur le respect de l’autre. Cela n’empêche pas non plus de dénoncer ce qu’elle considère comme injuste, de saisir même la justice tout en laissant la loi faire son travail.

Dans une société, les individus n’ont jamais tous les mêmes goûts, les mêmes intérêts, les mêmes convictions ni les mêmes idées. Si tout ce qui provient de l’autre et qui ne nous plaît pas est considéré comme une provocation, cela revient à dire que vivre en société, c’est être constamment en situation de provoquer ou d’être provoqué. "Si la provocation justifie la violence, le monde dans lequel nous vivons sera un monde de violence de tous contre tous", écrit Razika Adnani dans La nécessaire réconciliation.

LIRE AUSSI Mila, harcelée pour avoir critiqué l'islam : "Elle l'a cherché, elle assume" estime le délégué général du CFCM

Le problème réside donc moins dans les textes que dans ce qu’on en fait

Ces jeunes qui croient qu’il est permis de violenter ou de tuer une personne parce qu’elle a critiqué leur religion sont influencés par un discours fondamentaliste qui prône des normes d’organisation sociale remontant au VIIsiècle, une époque où les valeurs sociales et politiques modernes n’étaient pas connues. Dans tous les pays où le fondamentalisme islamique et islamiste s’est installé, sa stratégie a consisté à affaiblir le droit et le faire reculer pour imposer sa propre loi. Le fondamentalisme islamique et islamiste menace les fondements de l’État moderne. Hier, il a fait échouer le projet de construction d’États modernes dans les pays arabes et au Maghreb. Ce qui s’est passé avec Mila, et avant elle avec Hugo et beaucoup d’autres, révèle l’ampleur de l’influence de ce courant dans la société française ; la République et par la même la modernité sont mises à mal. Le phénomène touche notamment l’école qui n’arrive plus à transmettre les valeurs de la modernité et de l’humanisme, principes de la République. Le discours religieux met en avant des versets du Coran qui appellent à la violence tel le verset 33 de la sourate 5, "La Table Servie" : "La seule récompense à ceux qui font la guerre à la religion de Dieu et à son prophète, et qui provoquent le désordre sur terre, est qu’ils soient mis à mort…", ou encore le verset 191 de la sourate 2, "La Vache" : "Tuez-les où que vous les rencontriez et chassez-les d’où ils vous ont chassés : l’association est plus grave que le meurtre…"

En revanche, il néglige le verset 125 de la sourate 16, "Les abeilles", invitant à l’échange et à la discussion : "Discute avec eux de la meilleure façon […]", et le verset 105 de la sourate 5, "La Table Servie", recommandant à chacun de s’occuper de ses propres actes : "Ô les croyants ! Vous êtes responsables de vous-mêmes ! Celui qui s’égare ne vous nuira point si vous, vous avez pris la bonne voie." Ce choix est déterminé par la relation que ses adeptes entretiennent avec l’autre et la représentation qu’ils se font de lui. Dans une culture où l’autre est respecté, où sa dignité et sa liberté de s’exprimer sont des valeurs incontournables, on ne peut que choisir les derniers versets. En revanche, dans celle où l’autre n’a aucune valeur, où il est un ennemi méritant tous les mauvais traitements, on choisit inévitablement les premiers. Le problème réside donc moins dans les textes que dans ce qu’on en fait.

Les attaquer, vouloir les affaiblir, c’est scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Pour en finir, ceux qui veulent imposer le respect de leur religion par la terreur, qui préfèrent les lois de la jungle à celles de la République, doivent se rappeler que ce sont ces dernières qui les protègent et leur permettent d’être des citoyennes et des citoyens à part entière. Ils doivent être les premiers à défendre la République, ses lois et ses principes. Les attaquer, vouloir les affaiblir, c’est scier la branche sur laquelle ils sont assis.

LIRE AUSSI  Affaire Mila : non, Nicole Belloubet, "l'insulte à la religion" n'est pas "une atteinte à la liberté de conscience"