Par Alexandre Fatemi -
https://www.causeur.fr/navid-afkari-iran-181274
L'ayatollah
Ali Khamenei, l'actuel guide suprême de la Révolution islamique, poste le plus
élevé de la République islamique d'Iran, le 25 août 2020 à Téhéran © AP/SIPA
Numéro de reportage : AP22486840_000002
Une tribune d’Alexandre Fatemi,
fondateur et président du Fonds Hossein Fatemi
Il faut sauver Navid. Samedi 29 août a été révélée la condamnation à mort
et 74 coups de fouet de Navid Afkari,
habitant de la ville de Shiraz en Iran, âgé de 27 ans
seulement, ouvrier-plâtrier et champion de lutte. Son seul crime ? Avoir
participé à des manifestations anti-gouvernementales, en 2018. Plusieurs
sources indiquent qu’il aurait été torturé.
Parce que la France
se définit comme une nation de principes, nous nous devons d’intercéder auprès
des plus hautes autorités de la République islamique pour obtenir la grâce de Navid, comme de tous les autres condamnés qui croupissent
dans les geôles d’un gouvernement avec lequel nous traitons trop souvent avec
une légèreté qui, elle, est coupable.
Concrètement, si
demander la grâce ou inverser le cours de la justice iranienne nous paraît
insurmontable, sommes-nous obligés de multiplier les efforts diplomatiques pour
complaire à un État qui crache sur toutes les valeurs qui fondent notre
démocratie ?
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Était-il nécessaire
d’inviter le volubile ministre des Affaires étrangères de la République
Islamique d’Iran, Mohammed Javad Zarif, au G7 de Biarritz en 2019 ? Et que penser
d’INSTEX (Instrument in Support of Trade Exchanges), la société créée,
également en 2019, par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni pour
favoriser les échanges commerciaux avec l’Iran, sans utiliser le dollar
américain, et basée à Paris ? En Iran, l’économie est administrée et
propriété, à plus de 70%, d’un État qui assassine et torture, qui extorque,
pille et détruit au Liban, en Syrie, en Irak, et ailleurs… et bien évidemment
chez lui.
La France, depuis
les premiers jours de la prise du pouvoir des Mollahs, en 1979, ignore les
exactions de la République islamique. Sous l’ère Mitterrand, nos diplomates
avaient le culte de la « stabilité ». L’autre nom du
« laisser-faire ». Sous Jacques Chirac et Dominique de Villepin, la
France fut l’un des piliers de la « Troïka » européenne, chargée de
négocier avec Téhéran dans le dossier du nucléaire. En réalité, un
paravent pour un programme illicite d’enrichissement allant bien au-delà des
limites du traité de non-prolifération nucléaire, avec pour principaux
résultats des missiles balistiques pointés vers des pays « amis » et
une influence internationale délétère. Car si la France semble avoir des
scrupules à s’immiscer dans les affaires intérieures iraniennes, l’État
Iranien, de son côté, ne se prive pas de déstabiliser nos alliés et ses
voisins.
Pourquoi convoquer
40 ans d’échecs diplomatiques pour éviter la potence à un jeune inconnu,
emprisonné pour des motifs politiques, à des milliers de kilomètres de Paris ?
Parce que la politique française, et européenne, vis-à-vis de l’Iran est une
preuve tangible de l’échec des « réalistes ». Le comportement du
gouvernement iranien montre à quel point il est dangereux de faire confiance à
un État qui maltraite sa propre population.
Parce que,
peut-être, si nous renoncions à ce « réalisme », nous pourrions fonder
notre politique vis-à-vis de l’Iran sur un autre paradigme (ne serait-ce que
par souci d’efficacité). En considérant, par exemple, que la violation des
droits de l’homme n’est pas un geste anodin. Et que si une sentence de mort est
décidée froidement, pour un délit d’opinion, par une cour de justice régulière
d’un pays avec lequel nous entretenons des relations diplomatiques, il est
peut-être temps de réévaluer nos liens avec ce pays. Il est peut-être temps
aussi de ne plus ignorer l’existence du fait moral. Il est encore temps de
sauver Navid.