Les Frères musulmans en Europe: la minorité islamique la plus dangereuse

Des mosquées, des écoles...

Par Saïda Keller Messahli - 29 janvier 2020

 

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Youssef al Qaradawi s'adressant à la foule lors de la prière du vendredi le 18 février 2011 au Caire. © Khalil HAMRA/ AP/ SIPA

La Confrérie fondée en 1928, interdite dans plusieurs pays, présente une nouvelle génération et développe sa stratégie prosélyte et anti-laïcité dans toute l’Europe.

Déjà en 2002, se tenait à Bonn une conférence des Frères musulmans autour du sujet « l’éducation musulmane en Europe ». Organisée par le Centre culturel islamique d’Irlande et les « Associations of Muslim Social Scientists »[1] du Royaume-Uni et d’Allemagne, la conférence accueillait des personnalités européennes proches des Frères musulmans comme Tariq Ramadan, Mohamed Karmous[2], Ahmed Jaballah[3] ou encore Ibrahim Al-Zayat[4]. Le but était d’indiquer aux jeunes générations la manœuvre à suivre pour articuler le message et l’esprit de l’islam dans le monde occidental actuel, et de relever le défi que représentent les programmes scolaires laïques incompatibles avec la religion de Mahomet.

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Youssef Al-Qaradawi, éminence grise

Le message et l’esprit de l’islam prosélyte, rigoriste et politique des Frères musulmans comme le dit si bien récemment Bernard Rougier « c’est d’en finir avec la diversité des musulmans, de les cataloguer, de les mettre sous la rubrique “musulman” en leur donnant la définition de leur appartenance pour prendre le pouvoir sur eux et parler en leur nom » (Les territoires conquis de l’islamisme, PUF).

Les Frères musulmans représentent le groupe sunnite et islamique le plus influent au monde. Dans de nombreux pays, leur organisation est interdite, principalement dans le monde arabe, car classée « organisation terroriste ». Des mesures allant dans ce sens sont régulièrement envisagées en Europe ou aux États-Unis. Récemment, le site Interception a parlé d’une réunion secrète des frères dans laquelle le groupe fait référence aux infrastructures de 79 pays. Cette présence dans tant de pays est remarquable pour une organisation considérée comme secrète.

S’il était Français, il aurait pu prendre sa retraite il y a environ 3 ou 4 décennies. Mais Youssef Al-Qaradawi[5], le « Cheikh », l’éminence grise des Frères musulmans, est resté une institution jusqu’à l’âge de 92 ans. Autrefois omniprésent en Europe, il est maintenant exilé au Qatar. Il a été le chef spirituel des Frères musulmans au cours des dernières décennies et a construit et développé depuis l’Irlande toutes les structures essentielles des Frères Musulmans dont ils disposent aujourd’hui.

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Al-Qaradawi a été co-fondateur du Conseil Européen pour les fatwas et la recherche (ECFR)[6] – une institution qui émet des avis juridiques islamiques simplifiés, pour les musulmans d’Europe, répondant à à peu près tous types de situations. Il a dirigé également l’Union internationale des savants musulmans (UISM) pendant une dizaine d’années. Et ce n’est pas tout ! Les structures associatives des Frères musulmans, que ce soit au niveau européen la Fédération des organisations islamiques en Europe (FIOE) ou des associations nationales comme l’UOIF de l’époque – aujourd’hui IDF, Islam de France – ont été inspirées par lui.

Une nouvelle génération arrive

Al-Qaradawi, qui a non seulement exigé l’anéantissement d’Israël et qui, au cours de sa vie, a défendu ou justifié à plusieurs reprises des attentats suicides et la violence envers les femmes, s’est entre-temps retiré des bureaux susmentionnés. Le flambeau est maintenant passé à un groupe de chercheurs, la direction des deux grandes organisations européennes des Frères Musulmans l’ECFR et de l’UISM devenant plus jeunes et plus tournées à l’international. La nouvelle direction sert les « marchés de base » les plus importants, le tout en un réseau européen extrêmement bien organisé.

Les premiers effets de cette nouvelle direction se manifestent rapidement. En novembre 2019, une semaine seulement après la manifestation contre « l’islamophobie » organisée par le CCIF (Comité Contre l’Islamophobie en France) proche des Frères Musulmans et qui nourrit un discours victimaire – jusqu’à suggérer sans complexe que les musulmans de France sont les nouveaux juifs des années 30 – un nouveau « Conseil des imams européens » voit le jour. Il devrait servir de plate-forme supplémentaire aux imams impliqués. L’offre numérique a été considérablement rafraîchie. Les « Conseils de fatwas » ont maintenant des versions allemandes et françaises, de sorte que l’offre est disponible en plusieurs langues. En outre, une application « Euro Fatwa » a été lancée, régulièrement citée dans la presse internationale tant les recommandations sont parfois saugrenues pour la communauté musulmane.

L’éducation: le leitmotiv des Frères musulmans

Une des recettes du succès des Frères musulmans est son intérêt pour l’éducation.

Déjà dans les années 1990, est fondé l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) à Château-Chinon sur une propriété appartenant à l’UOIF, avec l’aide de Al-Qaradawi. C’est une forge de cadres pour les futurs imams, érudits islamiques et autres enseignants vivant selon l’islam politique des Frères musulmans. Le fait que l’IESH ne coopère avec aucun établissement d’enseignement occidental ne dérange pas les responsables. L’institut est en contact avec les universités islamistes de Malaisie et du monde arabe, les diplômés deviennent imams puis sont assignés à une communauté musulmane en développement voulant faire partie de la confrérie. La recette fonctionne. En France, il y a maintenant un campus de l’IESH à Saint-Denis, quelques ramifications en Alsace et à Orléans, et des écoles privées comme le Lycée Averroès à Lille.

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L’EIHW, largement inspiré de l’IESH et dirigé par l’égyptien Khaled Hanafi, nouveau secrétaire général adjoint du ECFR[7], et également membre de l’IUMS, a vu le jour il y a quelques années à Francfort. Son nouveau président, successeur de Al-Qardawi à la tête du ECFR depuis un an, Abdullah al-Judai est lui Irakien et Anglais, également membre de l’IUMS, tout en faisant partie du conseil administratif et du conseil scientifique de l’IESH à Château-Chinon. Son adjoint Ahmed Jaballah ayant dirigé lui-même pendant longtemps ce même IESH qui se déclare comme organisation européenne.

Des alliés puissants pour une organisation de mieux en mieux implantée

Diverses tentatives ont été lancées afin de remettre les frères musulmans d’Europe à leur place.

Malheureusement, leurs financements s’avèrent puissants ; des fondations du Qatar et du Koweït contribuent à accroître leurs possibilités d’entrisme. Leur coopération de plus en plus étroite avec la Turquie est également préoccupante. S’ajoute à cela une prolifération des mosquées de mouvance islamiste turque « Milli Görüs » (perspective nationale) un peu partout en Europe mais surtout en Allemagne ; cette version turque des frères musulmans organise en ce moment la construction d’une grande mosquée à Strasbourg, sur une superficie de près de 7000 m2[8].

Est-ce une pure coïncidence que la nouvelle filiale de l’IESH, IESH-Alsace, fondée en automne 2018 par une association membre de l’UOIF (A.I.E.F = Association Islamique de l’Est de la France) se trouve également à Strasbourg, pour le moment installée dans une mosquée des frères musulmans à la rue Thiergarten? Bien qu’encore récente, cette filiale participe déjà aux concours de débat en arabe financés par le Qatar (« QatarDebate ») et elle a déjà invité un des chefs très controversés de la LIM (Ligue Islamique Mondiale), le théologien saoudien Abdullah Al Moslih. La LIM étant depuis toujours une organisation saoudienne intimement liée à la Confrérie des frères musulmans, Al-Moslih ne voit aucun problème à légitimer les attentats-suicides contre les « ennemis de l’islam ». À peine fondée l’IESH d’Alsace a envoyé début Janvier 2019 sept étudiants et professeurs à Vienne pour participer à ce concours financé par la fondation pour l’éducation du Qatar, présidée par la mère de l’Émir du Qatar.

Quand ils se penchent sur l’infiltration des frères musulmans, nos politiques doivent être conscients que les institutions éducatives et les associations des Frères musulmans opèrent toujours sur une base paneuropéenne, et que le changement de génération qui s’opère dans ces organisations signifie que l’idéologie dangereuse des Frères Musulmans s’adapte toujours plus à de jeunes fidèles. Aussi, un effort européen serait nécessaire pour contrer cette forme d’islamisme. La France doit aussi se demander si elle veut continuer à héberger la plus importante forge d’imams et d’enseignants islamistes sur son territoire (l’IESH et ses filiales) ou si elle arrive à trouver les moyens de mettre l’islam sur une voie plus libérale et plus humaniste. Ce serait un grand service rendu aux musulmans du pays, de nombreuses études montrant que moins de 10% des musulmans d’Europe se sentent représentés par l’organisation des Frères musulmans. Cette minorité qui travaille à imposer son islam politique à la grande majorité silencieuse.

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La Suisse, plaque tournante de l'islamisme: Un coup d'oeil dans les coulisses des mosquées

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Les territoires conquis de l'islamisme

 

Messieurs-Dames les sénateurs, encore un effort pour combattre l’islamisation!

L'avertissement de Renée Fregosi

Par Renée Fregosi - 29 janvier 2020

 

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Manifestants de la marche "stop à l'islamophobie", le 10 novembre 2019, place de la République à Paris © Benjamin Mengelle / Hans Lucas

La philosophe et politologue Renée Fregosi, auteur de Français encore un effort… pour rester laïques, appelle les sénateurs de la commission enquêtant sur le développement de la radicalisation islamiste à la plus grande vigilance.


Le 14 novembre 2019, le Sénat a lancé une « commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre ».

L’ « antiracisme idéologique pervers » nous a fait perdre de précieuses années

Les auditions ont commencé le 3 décembre dernier pour se poursuivre durant tout le mois de janvier 2020. Cette décision d’une partie de la représentation parlementaire est à saluer. Elle indique une certaine prise de conscience d’un phénomène très préoccupant qui se développe pourtant depuis de longues années.

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C’est sur ce phénomène d’emprise sur la société française d’un mouvement politico-religieux très actif, l’islamisme, qu’alertent à partir des années 2000, un petit nombre d’universitaires, de journalistes, de responsables associatifs et d’élus, sans être jusque-là réellement entendus par les autorités, et toujours systématiquement conspués par les porte-voix du politiquement correct et de l’islamo-gauchisme. L’ouvrage Les territoires perdus de la République est à cet égard emblématique: paru en 2004, cette étude de terrain prémonitoire était pourtant le constat d’un état de fait déjà solidement constitué et fort inquiétant à l’époque, mais absolument occulté par les responsables politiques et les tenants d’un antiracisme idéologique pervers.

La laïcité française menacée

Le travail idéologique et d’infiltration des institutions tant de l’Etat que de la société civile, mené conjointement par différents groupes fréro-salafistes (des Frères musulmans et de divers courants rigoristes) a produit des effets à la fois sur les « musulmans » (croyants se reconnaissant comme tels et/ou individus assignés globalement à la « culture musulmane ») et sur l’ensemble de la société française. Les enquêtes de l’IFOP pour des organismes comme la Fondation Jean-Jaurès, Fondapol ou l’Institut Montaigne en témoignent régulièrement : ainsi en 2016, si les musulmans sont 41% à estimer que la pratique de l’islam doit être adaptée et aménagée pour se conformer à la laïcité à la française, ils sont en revanche 37 % à estimer que c’est au contraire la laïcité française qui doit s’adapter, pourcentage en progression de 8 points en 5 ans.

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On peut souligner également  une progression constante de l’opposition à la loi de 2010 bannissant le voile intégral dans la rue. Et en 2019, 28% de Français de confession musulmane objet d’une nouvelle enquête, se définissent comme des « musulmans français » et contestent ouvertement le principe de la laïcité, tandis qu’un second groupe se définissant pourtant comme « laïques », soutient l’expression de la religion au travail et reconnaît avoir adopté la norme halal comme définition de l’être musulman. Sur l’ensemble des personnes interrogées 65% se disent ainsi favorables au voile et 35% des femmes le portent. Par ailleurs, la polémique récente sur les « mamans » voilées accompagnatrices des sorties scolaires démontre également que le trouble provoqué par l’activisme croissant d’un islam militant, touche aujourd’hui tous les secteurs de la société.

On invoque le « respect » pour favoriser l’islamisation

Le réislamisation des musulmans à travers le monde depuis la révolution islamique en Iran d’une part et le regain du prosélytisme fondamentaliste des pays du Golfe d’autre part, convergeant dans une nébuleuse complexe à géométrie variable, est en effet le vecteur principal d’une islamisation plus globale. Les exigences de plus en plus nombreuses du « respect » de pratiques religieuses rigoristes, relevant d’interprétations fondamentalistes de l’islam sapent ainsi les fondements de toutes les sociétés occidentales sécularisées. Mais c’est en France que le phénomène est sans doute le plus aigu parce que, grâce à une longue histoire de l’esprit laïque enraciné dans la philosophie des Lumières et du libertinage d’une part, et dans des institutions républicaines structurées autour de ce principe d’autre part, la résistance est plus vigoureuse.

Fini le temps des précautions oratoires !

Toutefois, la prise de conscience de la part des autorités est tardive et reste trop partielle, tandis que la défense de la laïcité au quotidien peine à se structurer. Si la création de cette commission sénatoriale est donc très louable, et plusieurs des auditions tout à fait salutaires (même si d’autres sont plus sujettes à caution), les termes mêmes de son intitulé avec notamment la notion ambiguë de « radicalisation » laissent penser que du chemin reste à parcourir jusqu’à une compréhension réelle du phénomène islamiste. La violence des attentats, la mouvance djihadiste et les propos extrémistes de certains imams ne sont, rappelons-le sans cesse, que la partie émergée de l’iceberg islamiste. Dans cette entreprise de conquête et de reconquête, la lutte idéologique est aussi importante que la terreur des actes. Et on le voit, l’ensemble porte déjà ses fruits : adoption de plus en plus large des normes intégristes et intériorisation de la peur paralysante de verser dans « l’islamophobie ». Certes, les liens tant logistiques qu’idéologiques sont complexes et difficiles à démêler mais l’emprise notamment de l’organisation des Frères musulmans est de plus en plus visible aujourd’hui.

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Que tous les Musulmans ne soient pas des terroristes on en est tous d’accord, inutile de s’étendre désormais sur le sujet, on a perdu assez de temps avec ces précautions oratoires. Car cela ne signifie pas que l’islam n’aurait « rien à voir » avec l’islamisme, sinon il ne serait pas si facile aux militants islamistes de créer une solidarité entre eux-mêmes et la « communauté » musulmane qu’ils contribuent en grande part à consolider. Prôner une « laïcité ouverte » contre le tenants du combat laïque n’a aidé en rien à l’entrée de la religion musulmane dans les cadres de la société laïque française, pas plus que l’option communautariste assumée en Belgique ou en Grande-Bretagne n’a permis d’éviter la « radicalisation » musulmane au sein des populations nationales de ces pays. Au contraire, la stratégie de la complaisance loin d’apaiser les esprits et la vie collective, renforce l’emprise islamiste et l’antagonisme entre différents groupes sociaux. Le multiculturalisme n’est pas le remède aux pensées de l’orthodoxie, et les accommodements avec les exigences religieuses et communautaristes sont absolument déraisonnables. Espérons que la commission sénatoriale permettra d’impulser une véritable contre-offensive laïque et républicaine contre l’offensive islamiste.

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Français encore un effort... pour rester laïques !

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Les territoires perdus de la République

 

 

Éric Zemmour, la tête de Turc de Télérama

Une histoire de sacrifice

Par Didier Desrimais- 29 janvier 2020

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Eric Zemmour © Saget / AFP

Les journalistes de Télérama rêvent de faire taire celui qu’ils qualifient de « polémiste multirécidiviste ». Le CSA est appelé à remplir ses fonctions sociales sacrificielles vertueuses!


Lorsqu’on a le désir de suivre de près toutes les tendances progressistes de notre époque, il est des journaux sur lesquels il ne faut pas hésiter à se pencher de temps à autre. Il y a Libération (un trésor). Il y a Les Inrocks (une mine). Et il y a, de plus en plus souvent, Télérama.

Ce 27 janvier, la newsletter Télérama Soirée titre : « Plaintes devant le CSA, Zemmour vole la vedette à Hanouna. » Le journal précise que le CSA a reçu plus du double de saisines en 2019 comparé à 2018. Grâce à qui, selon le magazine télévisuel ? Grâce au « polémiste multirécidiviste et multirepris de justice » Éric Zemmour (alias « l’icône des réacs »). Il y a un lien qui mène tout droit à l’article du journaliste, Étienne Labrunie, pour ceux qui aimeraient approfondir l’épineux sujet. Comme j’ai un peu de temps devant moi, je m’y rends.

Christine Angot indétrônable

J’apprends d’abord que, contrairement à ce que laisse supposer la newsletter téléramesque, ce n’est pas Zemmour qui a décroché la timbale, mais… Christine Angot. C’est elle qui détient les meilleurs scores de dénonciations auprès du CSA suite à ses propos sur l’esclavage dans l’émission On n’est pas couché (5600 saisines). Elle est suivie de près par une chronique dans La Matinale de LCI qui décrétait que « Non, les profs ne sont pas mal payés ! » (4700 saisines). De justesse Éric Zemmour grimpe donc sur la 3ème marche du podium avec 4300 saisines pour ses propos sur le général Bugeaud, suivi de très très près par Frédéric Fromet pour sa chanson Elle a cramé, la cathédrale, braillée sur France Inter (4000 saisines). Comme cet humoriste a refait dernièrement parler de lui en appelant à la sodomisation de Jésus au milieu des ricanements de journalistes franceintéristes, nous devrions le voir prochainement monter sur le podium ! Nous ne savons pas encore ce que Télérama fera de cet athlète, ni quels adjectifs l’hebdomadaire lui accolera (icône des bouffeurs de cathos ? chanteur vulgaire multirécidiviste ?..). Pourtant, c’est « Zemmour (qui) déchaîne les compteurs de l’instance »… sous-titre en début de paragraphe le vigilant journaliste qui regrette que le « polémiste » ait toujours une tribune sur CNews. Liberté d’expression, quand tu nous tiens !

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Mise au point rapide : on peut ne pas partager toutes les opinions ou analyses de Zemmour. On peut ne pas partager celles de Badiou (exemple extrême). Je ne suis pas sûr d’adhérer à quelque idée que ce soit de nombre de personnes auxquelles, pourtant, j’aimerais que reste acquise la possibilité de s’exprimer.

Un bouc émissaire

Zemmour est devenu ce qu’on peut appeler un bouc émissaire. Télérama en a fait sa tête de Turc préférée (cette expression sera bientôt interdite, profitez-en !)

Un bouc émissaire, ça sert à quoi ? Si je veux en croire René Girard, ça sert d’abord à se ripoliner la conscience et à neutraliser la violence d’un groupe. J’en tue un pour qu’on ne s’entretue pas tous. Il faut par conséquent mettre en scène un sacrifice, la ritualisation du meurtre (symbolique) d’un d’entre nous qui remplira quand même quelques conditions préalables :

– la victime doit être à la fois assez distante du groupe pour pouvoir être sacrifiée (personne ne doit se sentir visé par cette brutalité) et assez proche pour que la catharsis fonctionne.

– le groupe doit ignorer que le bouc émissaire est innocent (par tous les moyens possibles, jusqu’au déni de la réalité, jusqu’au mensonge, jusqu’à la surcharge accusatrice).

– le bouc émissaire doit présenter des qualités ou défauts extrêmes : riche/pauvre, vice/vertu, intelligence/débilité, force/faiblesse.

– la victime doit être en partie consentante.

Je vous laisse regarder de près si Zemmour remplit toutes les conditions requises pour être une presque parfaite « victime expiatoire » ou bouc émissaire. J’ai ma petite idée mais je ne veux influencer personne.

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Le sacrifice a donc deux vertus essentielles : il libère l’agressivité collective et il ressoude la communauté autour d’une paix retrouvée – mais toujours fragile, d’où la nécessité de reconduire régulièrement l’opération sacrificielle. René Girard analyse ce phénomène en reconnaissant que s’il est pragmatiquement efficace, il est moralement scandaleux parce qu’il repose sur un mensonge collectif (ou déni de réalité) qui arrange le groupe. Il faut un coupable. Un seul, pour que le groupe agressif et tout aussi coupable puisse se « nettoyer ».

CSA: boite aux lettres pour délateurs

C’est pourquoi le CSA, comme tout organe réceptacle de toutes les dénonciations et délations possibles, a de beaux jours devant lui : groupes ou communautés (national, politique, LGBT, féministe, animaliste,…) ne peuvent suppléer leur agressivité revendicatrice et identitaire que par de nombreux sacrifices dont ils sont les initiateurs. Il est à craindre que la ritualisation d’une mise à mort symbolique passant rapidement de mode (et croulant sous le nombre – 70 000 plaintes auprès du CSA en 2019 !), des moyens de moins en moins symboliques et de plus en plus expéditifs soient employés par tous ceux qui pensent être les détenteurs de la Vérité. Ça s’est déjà vu – à petite échelle cela conduit régulièrement à la chambre correctionnelle, au limogeage, à la mort sociale. À grande échelle, ça a porté les jolis noms de Révolution culturelle ou de Grandes purges.

Alors que je finis d’écrire ce papier, je tombe sur celui d’Olivier Milot, toujours dans Télérama, même jour, même newsletter, intitulé Les propos racistes et antisémites en forte augmentation, et Zemmour est toujours sur CNews. (sic) C’est superbe ! En quelques lignes le journaliste nous rappelle que les « faits racistes et xénophobes » et les « faits antisémites » ont fortement progressé, et que, pourtant, CNews continue d’employer Zemmour. « Difficile de ne pas faire le rapprochement », nous assène Olivier Milot dans un raccourci fulgurant et d’une hauteur de vue stratosphérique.

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