L’émission Présence
Protestante de France2 a diffusé le dimanche 19 mai un reportage sur la
situation des chrétiens en Algérie. Ce documentaire très réaliste donne la
parole à cette communauté souvent marginalisée par la société.Dans
le documentaire «Les chemins de la Foi, Protestants d’Algérie» paru sur
France2, Chris Huby, le réalisateur nous amène à la découverte d’hommes et
de femmes de foi qui témoignent à cœur ouvert.On redécouvre les
épreuves imposées aux chrétiens, comme l’explique dans le reportage Achida
Aoudi, une banquière algérienne:«Je ne sais pas pourquoi, mais
lorsqu’on choisit d’épouser une autre foi que l’islam on est perçu comme des
étrangers.»Un autre témoignage, celui d’un algérien d’âge mûr se
fait entendre comme un cri du cœur: «On en a marre d’être humilié et d’avoir
honte parce qu’on prie notre Dieu, c’est le Dieu de la vérité!»
Dans son Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2019, Portes Ouvertes
classe l’Algérie en 20e position. Depuis novembre 2017, l’association
observe un regain de la pression administrative contre les églises de
l’Église Protestante d’Algérie (EPA). Des propos qui sont relatés par
différents pasteurs dans ce documentaire.
Par exemple,
Moustafa Krim, pasteur dans une église en Kabylie et ancien président de
l’EPA, témoigne à propos d’une église mise sous scellés: «On a fait des
démarches en justice pour faire valoir nos droits(…) il n’y a pas de volonté
politique pour rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à
Dieu. À deux reprises c’est passé en justice, le juge s’est déclaré
incompétent et l’affaire est à la cour suprême depuis 5 ans. On attend
toujours. Il n’y a toujours rien qui bouge et on ne sait pas comment cela
finira.»L’ordonnance 06-03, une épée de Damoclès sur les
chrétiensL’ordonnance 06-03 fixant les conditions et règles
d’exercice des cultes autres que musulman adoptée en février 2006 restreint
considérablement la liberté de religion des chrétiens: l’exercice de culte
ne peut, par exemple, avoir lieu que dans des édifices destinés à cet effet.
Dans la pratique, les autorités n’ont presque jamais répondu aux
demandes d’autorisations d’églises.Une réalité également reportée
par le réalisateur, qui montre la détermination des chrétiens à continuer
leur culte, quitte à se retrouver sous une grande tente, montée juste à côté
de leur église qui a été fermée en juillet 2018 par ordre administratif. Un
pasteur témoigne: «Quoi que tu te fasses, à la fin ton église n’est pas
conforme. Ils ont un double discours. À l’extérieur ils disent qu’ils
prennent soin des minorités mais ici on nous "matraque". Ils viennent à
l’improviste, ils procèdent à la fermeture.»Des difficultés qui
se sont multipliées depuis 5 ansLe gouvernement algérien décrit
sa population comme étant «algérienne, musulmane et arabe».Les
difficultés rencontrées dans la vie d’église se sont multipliées alors que
la pression communautaire s’alourdit avec régularité. La situation des
chrétiens a clairement empiré depuis 5 ans.Dans le documentaire,
Slimane Bouhafs, qui a fait de la prison et qui est désormais sorti témoigne
de la dureté de la justice à son égard: «Le juge m’a dit:
"Tais-toi!" Si on appliquait une loi juste dans ce pays, tu aurais été
lapidé.»
Burkina Faso : six morts, dont un prêtre, dans une attaque contre une église
Les
attaques se multiplient ces dernières semaines au Burkina Faso.LUDIVINE LANIEPCE/AP
Un groupe d’une vingtaine d’hommes a tiré sur des fidèles pendant la
messe, dimanche 12 mai dans une commune du nord du Burkina Faso.
Six
personnes, dont un prêtre, ont été tuées dimanche 12 mai matin lors d’une
attaque contre une église catholique à Dablo, commune de la province du
Sanmatenga, dans le nord du Burkina Faso, a-t-on appris de sources locales et
sécuritaires. « Vers
9 heures, au cours de la messe, des individus armés ont fait irruption
dans l’église catholique. Ils ont commencé à tirer alors que les fidèles
essayaient de s’enfuir », a déclaré à l’AFP le maire de Dablo, Ousmane
Zongo. Les assaillants « ont pu immobiliser certains fidèles. Ils ont
tué cinq (personnes).
Le prêtre qui célébrait la messe a également été tué,
portant à six le nombre de morts ». Selon une source sécuritaire,
l’attaque a été menée par un « groupe d’hommes armés estimé entre
vingt et trente ».
Au Burkina Faso, les attaques des djihadistes se
multiplient Explication Des hommes armés ont tué six personnes, dont un pasteur, à l’issue
du culte dominical. Chrétiens et enseignants sont la cible des extrémistes. Laurent
Larcher,
C’était
la fin de la matinée, le culte était presque fini, ce dimanche 28 avril,
dans l’église protestante de Silgadji, à 60 km
de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, dans le nord du Burkina Faso. C’est
alors que des hommes armés, bondissant de leur moto, ont ouvert le feu dans
l’assemblée, ne laissant aucune chance aux fidèles surpris en plein office. Le
pasteur Pierre Ouedraogo, deux de ses fils et trois
autres fidèles sont tués, selon la BBC, qui cite des autorités locales. Les chrétiens de plus
en plus ciblés : Tuer des chrétiens pendant un office
religieux est une première au Burkina Faso depuis le début de l’insurrection
djihadiste, en 2015. Mais ce n’est pas la première fois qu’ils sont la victime
des terroristes. Depuis quelques semaines, on assiste même à une multiplication
des attaques contre eux. Le 17 mars, c’est l’abbé Joël Yougbaré,
curé de Djibo, qui avait été enlevé. Selon les médias burkinabés, son cadavre
aurait été retrouvé près de Djibo. Une information cependant démentie par
Mgr Laurent Dabiré, évêque du diocèse de Dori. « Les attaques djihadistes ont entraîné la
fermeture de 216 écoles dans le nord du Burkina Faso »
Un
mois plus tôt, le 15 février, c’est le père César Fernandez, missionnaire
salésien d’origine espagnole qui a été tué lors d’une attaque armée à Nohao, dans le centre-est du Burkina. Et le
P. Pierluigi Maccalli, membre italien de la
Société des Missions africaines, a été enlevé le 17 septembre 2018. Le
pasteur Pierre Boena, de Béléhouro
avait également été enlevé puis remis en liberté, en juin 2018.Attaque
contre les enseignantsCette
attaque de l’église de Silgadji fait suite à celle de
l’école de Maïtaougou, dans la province du
Koulpélogo, dans la région du Centre-Est, vendredi 26 avril. Six
personnes, dont cinq enseignants, ont été tués par des hommes armés venus, eux
aussi, en moto. Depuis 2017, les enseignants sont
directement visés par les djihadistes dans le nord du Burkina Faso.
« En
s’attaquant aux écoles, ils s’en prennent à l’éducation, à ceux qui contrarient
la diffusion de leurs idées et de leur mode de vie. Sans l’école, ils pensent
que la population sera plus vulnérable à leurs idées et à leur conception du
monde. Ils savent qu’une personne instruite et éclairée est plus difficilement
manipulable qu’une personne sans éducation », expliquait à La Croix il
y a quelques mois, Oumarou Traoré, inspecteur au ministère de l’éducation
nationale du Burkina Faso et conseiller technique de l’association Asmae.
L’échec de l’opération Otapuanu
Cette série d’attaques survient après la vaste
opération antiterroriste lancée par l’État burkinabé dans les régions de
l’Est et du Centre-Est. Baptisée « Otapuanu » (foudre en gulmacéma, langue
parlée dans la région de l’Est), cette opération s’était soldée
officiellement par l’arrestation d’une centaine de djihadistes et par la
mort de sept soldats, ainsi que la réouverture de plus de 200 écoles sur
plus d’un millier fermé à la suite des menaces terroristes, dont l’école de
Maïtaougou. Mais entre le 31 mars et le 2 avril déjà, 62 personnes dont un
imam et son fils ont trouvé la mort lors d’une attaque djihadiste à la
frontière du Mali.
Une étude avance que les
chrétiens seraient
près de subir un « génocide »
Selon un rapport rédigé par Philip Mounstephen, l'évêque anglican de Truro
(Royaume-Uni) et publié le 2 mai 2019, la religion chrétienne serait de loin
la plus persécutée dans le monde puisque les chrétiens représenteraient 80%
des croyants persécutés en raison de leur foi.
« On estime qu’un tiers de la population mondiale souffre d’une forme de
persécution religieuse, les chrétiens étant le groupe le plus persécuté ».
C’est ce que révèle la première version d’un rapport
indépendant sur la persécution des chrétiens publiée le 2 mai
dernier. Commandé par Jeremy Hunt, secrétaire d’État des Affaires étrangères
au Royaume-Uni, sa rédaction a été dirigée par Philip Mounstephen, l’évêque
anglican de Truro (Royaume-Uni). Et s’il ne s’agit que d’une version
provisoire, elle met déjà le doigt sur des points fondamentaux. L’étude
révèle que « la persécution fondée sur la foi religieuse est un phénomène
mondial qui prend de l’ampleur et de l’intensité » et qui « pèse sur les
sociétés du monde entier ». Selon le think thank américain Pew Research
Center, en 2016, les chrétiens étaient ciblés dans 144 pays alors qu’ils ne
l’étaient que dans 125 en 2015. Un chiffre à la hausse. Le niveau et la
nature des persécutions à l’encontre des populations chrétiennes seraient
même « sur le point de correspondre à la définition internationale du
génocide, selon celle adoptée par l’ONU ».
« Supprimer toutes les preuves de la présence chrétienne »
Les persécutions touchent de nombreux pays comme ceux du Moyen-Orient mais
aussi l’Inde, le Myanmar, l’Ouzbékistan. Au total, « environ 245 millions de
chrétiens vivant dans les 50 plus grands pays » souffriraient « de
persécution ou pire ». Si les types de persécutions sont variés — retrait
des croix, destruction de bâtiments et de symboles de l’Église, meurtre et
enlèvement de membres du clergé, emprisonnement, interdiction de se réunir
entre chrétiens, déni du droit d’inhumation — ces actes manifestent
« l’intention de supprimer toutes les preuves de la présence chrétienne »,
en particulier en Syrie, en Irak, en Égypte, au nord-est du Nigeria et aux
Philippines où sévissent des groupes extrémistes.
Nombre de ces actes ont pour conséquence l’exode des populations
chrétiennes. Selon le rapport, « le christianisme risque maintenant d’être
anéanti dans les régions du Moyen-Orient où ses racines remontent le plus
loin ». Chiffres à l’appui : en Syrie, la population chrétienne est passée
de 1,7 million en 2011 à moins de 450.000 tandis qu’en Irak, on est passé de
1,5 million de chrétiens avant 2003 à moins de 120.000 selon les dernières
recensions. « Le christianisme risque de disparaître, ce qui représente un
revers considérable pour la pluralité dans la région », indique le texte.
L’étude se poursuivra au cours des deux prochains mois pour un rapport final
publié au cours de l’été
L'association protestante Portes Ouvertes publie ce 16 janvier son Index
mondial 2019 de persécution des chrétiens. Il met en évidence une
aggravation des atteintes à la liberté religieuse.
Michel Varton, directeur de Portes Ouvertes France commente la sortie de
l’Index mondial de persécution des chrétiens 2019 : « Les persécutions
contre les chrétiens s’aggravent pour la septième année consécutive ! Si
l’on devait les comparer à un lac, il se serait à la fois élargi et
approfondi ». D’après cet Index, en 2018, quelque 245 millions de chrétiens
auraient été « fortement persécutés » en raison de leur foi, soit un
chrétien sur neuf. Globalement, l’indice de persécution établi par l’ONG
augmente de 2,7% entre 2018 et 2019.
Aggravation rapide en Afrique Le « lac » dépasse manifestement ses frontières habituelles notamment en
Afrique, où de plus en plus de pays sont touchés par l’extension d’un islam
radical et intolérant. C’est notamment le cas au Mali, au Niger et en
Centrafrique. Le Nigeria, quant à lui, connaît une explosion de violence
dans un contexte de conflit entre éleveurs peuls musulmans et agriculteurs
chrétiens.
PIUS UTOMI EKPEI / AFP
Desdizaines de cercueils alignés sur une place de la
capitale de l'État de Benue, au Nigeria.
3.731 chrétiens ont été tués en raison de leur foi en 2018, contre 2.000 en
2017. Encore ces nombres ne concernent-ils que les faits attestés et
vérifiables, prévient l’équipe de Portes Ouvertes présentant l’Index. En
effet, le nombre de chrétiens assassinés en raison de leur foi serait
supérieur.
Dans beaucoup de pays abonnés aux places de cancres de l’Index annuel, les
organismes internationaux rencontrent de grandes difficultés à chiffrer les
exactions. À commencer par la Corée du Nord, où résideraient entre 200.000
et 400.000 chrétiens, toujours selon Portes Ouvertes. Numéro un des pays les
plus répressifs depuis 18 ans, il ne connaît pas d’ouverture sur le plan
intérieur, malgré les récents échanges encourageants avec la Corée du Sud.
Chine et Inde, leviers de la persécution religieuse
Mais les deux pays qui « creusent le lit du lac » continue Michel Varton
sont les deux plus peuplés au monde, l’Inde et la Chine. Le christianisme y
est vu comme un élément étranger à l’identité nationale, qu’il convient de
réprimer, voire d’éradiquer. Portes Ouvertes dit avoir cessé de présenter
les visages des chrétiens indiens qui témoignent sur son site web.
Zhao Jianpeng | Imaginechina | AFP :
Une
église en Chine.
Le gouvernement indien, géré par les nationalistes hindous du parti BJP,
emploie d’après elle le traçage biométrique pour retrouver les chrétiens.
Les prochaines élections, en mai-juin 2019, apportent peu d’espoir de
changement, puisque le parti au pouvoir est en tête des sondages. Sans
compter que des chrétiens constatent avoir été gommés
des listes électorales.
Il y aurait pourtant une façon optimiste de lire cet Index alarmant, à
savoir que si beaucoup de chrétiens sont persécutés en raison de leur foi,
c’est parce qu’ils sont de plus en plus nombreux. Cette argumentation
pourrait par exemple se fonder sur les étonnantes réussites des Églises
protestantes en Iran et en Algérie où des dizaines de milliers d’anciens
musulmans se tournent vers le Christ.
Des signes d’espoir
Pourtant, prévient Claire Lacroix, la responsable de l’information de Portes
Ouvertes France, « cette vision optimiste est démentie par plusieurs
exemples, comme celui de la Somalie. Ce pays, que nous classons à la
troisième place de notre Index, derrière l’Afghanistan et la Corée du Nord,
ne connaît aucune augmentation du nombre de chrétiens, mais ils sont encore
plus persécutés qu’auparavant ! »
Toutefois, des signes d’espoirs viennent, d’une façon inattendue, du
Moyen-Orient. En Égypte et en Irak, la situation des chrétiens s’est
sensiblement améliorée, selon les évaluations des équipes de Portes
Ouvertes. Mais comme le conclut Claire Lacroix : « Le meilleur espoir ne
réside pas dans des chiffres, mais dans des témoignages tels que celui de
Samiha Tafik ». Cette Copte a été défigurée par l’explosion d’une bombe au
Caire, mais elle parcourt le monde pour délivrer son message de paix : « Je
ne veux pas me venger. Je prie pour les responsables de cette explosion, que
Dieu leur montre le chemin. »
Moussa a
livré son témoignage lors de la présentation du rapport de l'AED sur la
liberté religieuse dans le monde.
Musulman radical, qui avait choisi la voie du djihad, Moussa a été converti
par une rencontre avec un chrétien qu'il était sur le point d'assassiner.
Voici son témoignage.
La lumière du
jour permettait de lire le Coran, la nuit m’obligeait à exercer ma mémoire,
alors que je le récitais, du fonds de ma tente. Il n’y avait aucun doute que
la succession du soleil et des étoiles sur le désert, où progressaient nos
dromadaires de leurs pas chaloupés avait été organisée par Dieu lui-même
dans ce but. Dieu nous enseignait, Dieu éprouvait notre foi. À 6 ans, je
connaissais les textes sacrés par cœur.
Dieu dirigeait nos
troupeaux dans ma région natale, du nord du Mali, et j’étais dans sa main.
Moi, Moussa, le fils aîné d’un dignitaire, d’un imam très respecté, qui
avait un rôle prépondérant dans notre communauté de quelques centaines de
Touaregs. Ensemble, nous parcourions notre terre selon un rythme immémorial.
J’allais prendre la succession de mon père aussi sûrement que nous trouvions
notre chemin sur les pistes du Sahel.
Dans cet univers
inébranlable, une rumeur terrible couru de tente en tente. L’un des notre,
Alou avait trahi Dieu. Il avait rejoint les chrétiens ! Je le connaissais un
peu, bien qu’il ne fût pas de mon campement. La nouvelle de sa trahison
avait été colportée par sa propre famille, qui demandait haut et fort à tout
bon musulman de débarrasser le monde de cet apostat. Cette histoire me
pesait. Elle intervenait parfois à l’improviste, dérangeant le cours de mes
cinq prières de musulmans, que je récitais fidèlement.
Départ en
djihad
J’avais
seize ans. Il était quatre heures du matin, l’heure de la première prière,
et nous étions réunis avec mes pairs, honorant Dieu. Sa présence était aussi
évidente que celle des étoiles qui semblaient proches à nous toucher. Devant
la majesté de la Création, le souvenir de la trahison d’Alou me gifla.
C’était comme une tâche au milieu de la splendeur divine. Je pris la
résolution de l’effacer. J’allais prendre la voie du djihad, et envoyer
l’apostat en enfer. C’était une
affaire entre Allah et moi. Je suis parti seul, le matin même, avec le
pistolet que je m’étais acheté à l’âge de 14 ans. Je partais pour la ville,
car je savais que j’y trouverai Alou. Il y avait 400 km à parcourir, que je
faisais à pied. Pour les Touaregs, les moyens de transports et les chameaux
sont réservés aux enfants et aux vieux. Arrivée à la ville, je dû prendre le
bus pour la première fois, afin de trouver la maison de mon oncle, car je ne
savais pas m’orienter dans l’environnement urbain. J’ai vécu chez lui, et
j’allais à l’école, mais en même temps, je me renseignais pour trouver
l’apostat.Je finis par apprendre qu’Alou lui aussi étudiait, dans
une mission. Je l’ai attendu devant la porte. Quand il en est sorti, il m’a
salué, et m’a laissé l’emmener à l’écart. Il m’a dit : « Je sais ce que tu
veux faire. Tu veux me forcer à prononcer la chahada (profession de foi
islamique). Et si je ne le fais pas tu vas me tuer. » Je n’avais même pas
encore sorti mon pistolet. Il a continué : « C’est le mieux que tu puisses
faire pour moi, me tuer. Tu vas me confirmer dans ma foi. » J’étais coincé,
piégé, et il m’a dit : « Avant cela, je veux que tu saches qu’il y a
quelqu’un qui t’aime. C’est Issa. »Je connaissais Issa, Jésus en
arabe, grand prophète du Coran, mais il m’a parlé de lui en des termes très
étranges. Son Issa donnait sa vie pour nous, comme un martyr. Son discours
me plongeait dans la perplexité, et il le voyait. Il m’a dit pour conclure :
« Écoute, repense à tout ça, et revient me voir »
De retour chez mon oncle, je me mis à vivre dans le doute. J’ai cessé de
prêcher, moi qui étais très écouté à la mosquée, en tant que fils de
dignitaire. Je négligeais ma prière. Mon oncle est venu me voir et m’a
demandé ce qui n’allait pas. J’ai répondu que je ne croyais plus en Dieu, et
il est entré dans une colère terrible : « Comme tu portes le même nom que
mon père, je ne vais pas te tuer. Sors de chez moi ! Je vais dire à ta
famille que tu es devenu chrétien ! »
Rejeté par les siensJ’ai
pris le chemin du retour et j’ai fini par retrouver ma famille, après être
passé de campement en campement. Le soir, on prépara un grand feu. Je m’en
réjouissais car c’était synonyme de célébrations, mais je vis vite que
l’ambiance n’était pas à la fête. Mes parents, oncles, grands-parents, 200
personnes en tout m’entouraient. Le grand père à pris la parole :
« Est-ce que c’est vrai que tu as embrassé la religion des blancs ?
-Non, je ne crois plus en Dieu, c’est tout.
-Prononce la chahada ! -Non, je ne crois
plus ! »Les hommes ont fondu sur moi, m’ont déshabillé et ligoté
à un arbre.
Je porte encore la marque des liens sur mes poignets. Je
suis resté là dans le froid de la nuit pendant 5 jours. Le cinquième jour, à
six heures du matin, un cousin a coupé mes liens et m’a donné un pantalon.
Il m’a dit : " Ils vont te tuer, fuit ! Mais ne passe pas par les
campements Touaregs."
Je suis parti, logeant chez des Peuls, et je
suis retourné à l’école de la ville. Je dormais sur un banc et mangeais à la
cantine.
Mystérieux bienfaiteursInexplicablement,
je recevais des lettres à l’école. Elles contenaient des documents de l’Aide
à l’Église en Détresse qui m’apprenaient les souffrances de chrétiens dans
le monde. Des souffrances qui ressemblaient aux miennes, et cela me
touchait.
J’ai rencontré Jésus souffrant pour nous pendant cette
période, avant même d’avoir accès aux Évangiles.
Un
jour, une belle voiture s’est arrêtée à ma hauteur et une femme blanche que
je ne connaissais pas m’a dit : « Venez avec vous, votre famille vous a
trouvé et ils vont vous tuer ». Je suis parti dans la voiture, qui m’a
conduit à l’ambassade de la Suisse au Mali. L’ambassadrice en personne m’a
permis d’obtenir un passeport diplomatique pour fuir mon pays. Je fus
merveilleusement accueilli en Suisse, et découvrais une Église qui priait
pour les chrétiens persécutés, et qui se démenait pour eux. Je l’ai
rejointe, et je suis retourné au Mali dès que j’ai pu, afin de devenir à mon
tour un missionnaire.
Comme ceux qui m’avaient aidé clandestinement,
et avec une parfaite discrétion, quand j’étais moi-même dans le besoin. Ma vie ne
m’appartenait plus. Je pouvais être tué à tout moment, aussi j’ai décidé de
ne pas me marier pour ne pas laisser de veuve et d’orphelin. Au Mali, j’ai
travaillé comme éducateur, et j’ai envoyé mon premier salaire à mes parents,
comme le veut la coutume chez nous. Mais l’argent m’est revenu. Ma mère
m’a écrit que j’étais mort pour eux. Cela a été une souffrance terrible, qui
m’affecte encore. Tous les soirs, je prie pour eux, et tous les soirs je
leur pardonne, depuis vingt-cinq ans.