L’islamisme est-il soluble dans la technocratie?

 

 

 

 

L'entrisme de l'AMIF encouragé par Emmanuel Macron

 

Par Caroline Valentin et Yves Mamou - 13 mars 2020 

https://www.causeur.fr/islamisme-amif-cfcm-technocratie-hakim-el-karoui-173935

 

Hakim El Karoui, président de l'AMIF, sur le point de se faire confier d'importantes responsabilités. Image: Capture d'écran Facebook

Le rôle que souhaite prendre l’association musulmane pour l’islam de France (AMIF) nourrit de légitimes craintes.


L’islam – non pas simplement « en France » mais – « de » France est décidément « en marche ».  Une nouvelle étape vient en effet d’être franchie vers sa constitution, en la forme d’une tribune, parue il y a quelques jours dans Le Monde et co-signée par les dirigeants du Conseil Français du Culte musulman (CFCM) et Hakim El Karoui, fondateur de ce qui est aujourd’hui l’incarnation de l’islam de France, l’AMIF (association musulmane pour l’islam de France).

Séparatisme ? L’entrisme, voilà l’ennemi !

La tribune CFCM-El Karoui / « islam de France » n’est que le troisième jalon posé ces dernières semaines par le président Macron vers la constitution d’un islam de France, en collaboration avec les islamistes. La première étape a été le discours d’Emmanuel Macron à Mulhouse du 18 février sur la stratégie du gouvernement contre ce que le président nomme le « séparatisme islamiste » (le chef de l’Etat s’était bien gardé de dénoncer l’entrisme qui représentait pourtant un danger plus grand encore que le séparatisme, on comprend maintenant pourquoi), annonçant que l’Etat avait notamment demandé au CFCM de formuler des propositions dans cet objectif. Le deuxième jalon a été posé avec les déclarations du ministre de l’intérieur Christophe Castaner le lendemain sur France Inter annonçant qu’Hakim El Karoui devait « faire partie des acteurs » impliqué dans le projet de lutte contre le séparatisme islamiste présenté par Emmanuel Macron à Mulhouse, et que le ministère de l’intérieur avait fait en sorte qu’il se rapproche du CFCM à cette fin. Voici enfin la troisième étape, l’annonce de la création d’une nouvelle structure par Hakim « islam de France » el Karoui et les dirigeants du CFCM.

Pour Hakim El Karoui, le vrai danger, le seul, c’est le salafisme, et avec lui l’influence financière des pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite…

La tribune n’est pas toujours d’une grande clarté. Mais il y a quelques éléments à en retenir.

D’abord sur le principe même de l’implication d’Hakim El Karoui et les conséquences qu’il convient d’en tirer. Auteur de deux rapports pour l’institut Montaigne, en 2016 et 2018, ainsi que de l’islam, une religion française (Le Débat Gallimard, 2018), Hakim el Karoui, normalien, ancien directeur de la banque Rothschild ayant occupé plusieurs fonctions de conseiller au niveau politique, est conscient du fait que les Frères musulmans sont, au même titre que les salafistes, des fondamentalistes. Il reconnaît même leur volonté d’être influents sur les musulmans comme sur le pouvoir politique et sait que leur « discours de modération » a pour but de les positionner comme interlocuteur incontournable. Nonobstant, el Karoui minimise la portée de leur projet « tamkine » de conquête de l’Europe. Estimant qu’il s’agit « plus d’un vœux pieu que d’un complot », il leur fait même la courte échelle : son AMIF regroupe en effet un nombre certain de personnalités qui se retrouvent dans l’infographie très complète élaborée par le collectif de militants laïques « Lieux Communs » de ce qu’ils ont appelé « la galaxie des Frères musulmans en France ». Ainsi notamment de Tareq Oubrou, Mohamed Bajrafil, Azzedine Gaci, Abdelghani Benali, Farid Abdelkrim, Abdelhaq Nabaoui. Pour Hakim El Karoui, le vrai danger, le seul, c’est le salafisme, et avec lui l’influence financière des pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite notamment. Tout cela est vrai mais n’enlève rien au péril que représentent les Frères musulmans, leur entrisme, leur discours « pour le moment » républicain, application parfaite de la « charia de minorité » de Youssef Al Qaradawi, leur autorité théologique suprême.

Emmanuel Macron pourrait se brûler les doigts

Que l’État donne aux Frères les moyens de structurer les Français musulmans dans le but d’avoir un interlocuteur politique (mais aussi dans l’espoir d’obtenir un vote musulman bloqué en sa faveur) laisse pantois. Comment Emmanuel Macron peut-il croire qu’il est en position de négocier un accord de long terme avec une Confrérie des Frères musulmans gigantesque, très influente, extrêmement riche, et toute entière construite sur la haine du modèle culturel occidental en général et français en particulier ? Comment ce président qui affirme lutter contre le séparatisme, peut-il le parachever dans l’espoir de le mettre à son service ? Emmanuel Macron ne voit-il pas qu’il a en réalité enclenché une infernale mécanique victimaire et revendicative ?

Chaque fois qu’un musulman voudra aller à la Mecque, manger hallal, ouvrir une salle de prière ou faire quoi que ce soit en relation avec son culte, il sera renvoyé vers cette nouvelle structure…

Deuxième enseignement : le fait que le Marocain Mohamed Moussaoui ait succédé au Turc Ahmet Ogras à tête du CFCM, montre que le gouvernement français – quoiqu’en dise Emmanuel Macron à Mulhouse quand il vilipende les financements étrangers – n’entend pas sortir totalement le vieil islam consulaire de la partie. La tribune CFCM-Hakim El Karoui suggère ainsi que les seuls financements étrangers problématiques, à « interdire », sont ceux « provenant de personnes ou d’Etats qui s’inscrivent en dehors des accords traditionnels et historiques avec les pays dont le lien sociologique avec la France est avéré et ancien ». Cette phrase un peu alambiquée peut signifier que les financements maghrébins demeureraient licites, alors que ceux des théocraties du golfe ou de la Turquie ne le seraient plus.

Concernant les financements dont bénéficiera la nouvelle structure, la tribune évoque des dons et legs mais également des taxes qui seront levées sur le halal et le hadj (pèlerinage à la Mecque), taxes qui requerront une absolution légale. Apparaît ici une collaboration avec l’Etat qui va dans le droit fil de ce qu’a annoncé Emmanuel Macron à Mulhouse : le principe de laïcité interdisant à l’Etat de s’occuper lui-même de la formation des imams, de la gestion du culte musulman et tout ce qui va avec la communautarisation globale des musulmans, l’Etat va donc en charger le CFCM. Chaque fois qu’un musulman voudra aller à la Mecque, manger hallal, ouvrir une salle de prière ou faire quoi que ce soit en relation avec son culte, il sera renvoyé vers cette nouvelle structure – gérée par le CFCM, ses fédérations pour beaucoup islamistes, ainsi que l’AMIF et ses amis proches des Frères musulmans – dont l’Etat s’assurera qu’elle dispose des financements ad hoc.

Une démarche au mieux inopérante

La composition de la structure nouvellement créée reste cependant assez floue et laisse perplexe. Le CFCM et les diverses fédérations musulmanes qui le composent (au sein desquels se retrouvent des entités islamistes telles que les Frères musulmans à travers l’UOIF, les Frères turcs représentés par le Milli Görüs et le Tabligh) ne disposeront – ô surprise – que d’un tiers des sièges, ce qui les prive de tout pouvoir de décision. Des « personnalités indépendantes » (qui ? d’où viennent-elles ? Indépendantes par rapport à quoi ou qui ?) seront majoritaires au conseil d’administration. Comment cette nouvelle usine à gaz pourra-t-elle fonctionner ? On peine à imaginer que tout ce beau monde, fondamentalistes compris, participera au « travail culturel et théologique », dans un objectif de « lutte contre l’extrémisme et la violence commise au nom de l’islam » comme les signataires de la tribune s’y engagent.

La réalité est que le gouvernement ne veut pas comprendre qu’il est aux prises avec des logiques totalitaires et que ses finasseries politiciennes ne pèseront pas sur les stratégies islamistes en cours ni ne les enrayeront. Au mieux, elles seront inopérantes, au pire, elles accélèreront le séparatisme islamiste. Comme l’a indiqué le professeur Bernard Rougier, auteur de Les territoires conquis de l’islamisme (PUF, 2020) lors de son audition par la commission « combattre la radicalisation islamiste du Sénat » le 17 décembre 2019, tous les fondamentalismes musulmans « se retrouvent quand il s’agit de se définir par rapport et en opposition à la société française. (…) Une dialectique s’instaure entre ces groupes : on s’aperçoit que le Tabligh prépare souvent le terrain au salafisme, notamment pour ceux qui sont en quête d’une « science » plus forte et plus convaincante, qui donnerait plus de place aux textes – les hadith – et moins aux personnalités – les cheikhs. Quand le Tabligh est présent dans une mosquée, il y a de très fortes chances pour que, quelques mois ou années plus tard, les salafistes aient pris leur place. C’est presque mécanique. »

La seule question qui mérite d’être posée est la suivante : jusqu’où est-il déjà trop tard ?

 

 

Les territoires conquis de l'islamisme

« Certains politiques veulent officialiser la victoire de l’islam politique en France »

Une tribune de l'imam de Nîmes, Hocine Drouiche

Par Hocine Drouiche - 20 juillet 2018

 

https://www.causeur.fr/hocine-drouiche-islam-imam-france-macron-153027

 

Hocine Drouiche lors de la Marche des musulmans contre le terrorisme à Paris, juillet 2017. SIPA. 00814272_000006


L’imam de Nîmes, Hocine Drouiche, regrette qu’Emmanuel Macron cherche à réformer l’islam de France avec des personnalités proches de l’islam politique, tout en écartant celles qui s’en sont véritablement distingué.


Monsieur le président, votre engagement pour la réforme de l’islam est importante et intelligente, mais vous vous trompez complètement de chemin et de partenaires.

Les nouvelles propositions dévoilées par Le Monde concernant la nouvelle organisation de l’islam en France sont catastrophiques.

Nous avons soutenu le président de la République pour sa vision réformiste et il doit aider les imams républicains pour reformer l’islam avec courage. Sans cette vision réformiste humaine et républicaine, le président Emmanuel Macron continuera la politique du bricolage voulue par l’islam politique pour gagner du temps et dominer les mosquées et les institutions musulmanes. Malheureusement, ce bricolage risque de se terminer par un bain de sang et une guerre civile à la libanaise souvent souhaitée par les islamistes, qui ne s’empêcheront pas d’utiliser la violence lorsqu’ils ne peuvent plus convaincre.

Certains politiques veulent officialiser clairement la victoire de l’islam politique en France.

Choquant, incompréhensible et humiliant pour les imams, les responsables musulmans et tous les Français musulmans qui combattaient avec courage pour un islam réformé et progressiste.

La majorité des personnalités proposées dans ce triste rapport de Hakim El Karoui attaquaient et condamnaient les imams républicains qui ont eu le courage et l’initiative d’organiser la marche musulmane contre le terrorisme en juillet dernier et combattent la francophobie et l’antisémitisme sans aucune ambiguïté.

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L’islam politique était toujours une partie du problème. Il ne sera jamais une solution de la crise de l’islam en France.

L’Etat peut ouvrir ses yeux pour voir les expériences catastrophiques et les résultats de l’islam politique en plusieurs pays étrangers.

Une nouvelle fois, la restructuration de l’islam en France se trompe dans le chemin et dans l’essence. Les politiques s’inclinent devant les islamistes qui ne cachent pas leur volonté d’islamiser la France et l’Europe entière en mettant notre société dans une guerre religieuse.

Ce choix menace clairement notre avenir en commun, car si le problème n’est pas réglé par les musulmans eux-mêmes, la solution sera violemment imposée par la majorité sociale qui ne cesse pas de déclarer et d’afficher ses inquiétudes et ses craintes envers l’islam et les islamistes sans qu’elle soit entendue ni par les responsables musulmans ni par les politiques.

Les islamistes qui étaient en conflit éternel avec les valeurs de la République et de la société locale pourraient devenir les leaders de la réforme de l’islam selon les propositions actuelles…! Ils n’ont jamais rêvé d’avoir cette chance en France. Cela signifie la disparition totale de certains imams courageux que les Français ont connus et aimés ces dernières années. Ces imams qui n’ont pas cessé de défendre un islam rationnel, fraternel et humain, pas antisémite et pas homophobe. L’imam Chalghoumi, le mufti des Comoriens à Marseille, Saïd Kassim, Ghaleb Ben Cheikh, Hocine Drouiche et tous les imams qui ont osé visiter Israël seront bientôt les premières victimes des islamistes choisis pour gérer la crise profonde que l’islam traverse aujourd’hui en France et ailleurs.

Ce sont les seuls qui ont osé être présents au Bataclan, à Charlie Hebdo, à Nice, à Rouen, à Bruxelles et à Toulouse.

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Nos adversaires nous ont accusé de collaborateurs, de traîtres, de vendus pour nous discréditer devant les musulmans ; ils n’ont pas pu nous séparer de notre communauté musulmane. Ils viennent d’avoir un cadeau inimaginable. Ce cadeau vient malheureusement de notre Etat laïque qui devait soutenir ceux qui portaient ses valeurs et pas ceux qui les combattaient et qui rêvent de les changer un jour.

Je demande à toutes les personnes de lumière ainsi qu’à la société civile d’aider les musulmans de France afin qu’ils ne tombent pas dans l’obscurantisme et les projets suicidaires de ces islamistes caméléons qui ne rassurent personne. Ils n’ont jamais clarifié leurs positions haineuses envers les musulmans républicains, l’occident, les juifs, le prosélytisme, le terrorisme l’égalité hommes-femmes et la réforme de l’islam.

Le président de la République voulait finir avec l’anarchie totale du grand souk du CFCM en présentant comme alternative un monstre islamiste qui menace l’avenir de nos valeurs, de notre paix sociale et qui pourrait à moyen et long terme nuire à l’image brillante du président lui-même.

 

 

Hocine Drouiche, l’imam réformiste contre les islamistes

Rencontre à Nîmes avec un imam pas comme les autres

Par Daoud Boughezala - 15 janvier 2020

 

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Hocine Drouiche. Auteurs : EREZ LICHTEFELD/SIPA. Numéro de reportage : 00814272_000006


Entre deux pérégrinations à Lunel, j’ai découvert l’imam d’une petite mosquée nîmoise courageusement engagé contre « l’islam conflictuel » des Frères musulmans, Tablighis et autres salafistes.  Et pour ne rien arranger, l’homme refuse également les prébendes de l’islam consulaire. Rencontre avec Hocine Drouiche. 


Au centre-ville de Nîmes, il faut y regarder à deux fois avant de trouver l’entrée discrète de la mosquée La Fraternité humaine. Une simple feuille de papier collée contre la fenêtre indique les horaires des cours d’arabe. Pas de doute, je suis sur la bonne piste. Un vieux chibani m’ouvre la porte de la salle de prière, qu’aucun minaret ni arabesque ne distingue extérieurement des immeubles voisins, et me confirme de l’arrivée imminente de l’imam. En ville, Hocine Drouiche, la quarantaine, porte un costume-cravate qu’il recouvre d’un qamis lorsqu’il dirige la prière. Parmi les dizaines d’adeptes qui se prosternent face à l’imam niché dans son minbar, quelques jeunes font baisser la moyenne d’âge plutôt élevée. La première génération d’immigrés, au français souvent approximatif, y pratique un islam traditionnel, étranger à la politique. Un vieillard d’origine algérienne me fait sourire en tentant de m’édifier : à l’en croire, seuls les musulmans iront au paradis. L’auguste septuagénaire ignore sans doute la chanson de Polnareff et le film d’Yves Robert.

Un conflit entre l’islam et la République

Chez Hocine Drouiche, on ne trouve aucune trace de cet argumentaire enfantin qui échange piété contre rétribution divine. Né en Algérie, ce docteur en théologie musulmane a gagné ses galons de réformateur sur le terrain. Au point de connaître Damas comme sa poche. Depuis vingt ans, l’homme a écumé toutes les grandes mosquées de la région avant de s’être fixé à Nîmes. En signe d’œcuménisme, assumant la rupture avec son prédécesseur Frère musulman notoire réputé polygame, fraudeur de la CAF, harceleur sexuel aujourd’hui imam à Montpellier, il a accolé l’épithète « humaine » au nom de la mosquée. Les présentations faites, Drouiche va droit au but : « Il y a un conflit entre l’islam et la République. Théologiquement, l’islam lui-même, le Coran et les hadiths nous mettent en conflit direct avec la modernité, notre époque et la société. Est-ce qu’on peut-encore accepter les interprétations du Moyen Âge ? » Diantre, le CCIF crierait à l’islamophobie pour moins que ça…

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Ce constat posé, tout reste à faire. Prenons l’exemple du voile. Il ne suffit pas de vouloir remodeler l’interprétation des textes à sa guise. Dans une religion dépourvue de clergé et d’autorité centrale, à l’instar du judaïsme, l’exégèse doit certes épouser son temps. Mais surtout obtenir l’assentiment de la majorité des ouailles. Ce qui n’est pas gagné.

Gagner les cœurs et les reins

Au risque de passer pour un apostat, voire un hérétique à la Hallaj, mieux vaut gagner les cœurs et les reins avant de prendre la tradition à rebrousse-poil. C’est bien l’ennui. « Les islamistes dominent mosquées et associations depuis 1980. Il faut du courage pour casser les tabous. Tariq Ramadan, l’UOIF et les Frères musulmans ont inculqué à des générations le conflit et la haine de l’Autre. C’est le modèle du musulman européen » diagnostique Drouiche qui se réclame de la « majorité silencieuse ». Dans son combat culturel, l’imam dénonce l’instrumentalisation politique de la religion telle qu’elle s’exprime dans les  manifestations contre l’islamophobie. Le 10 novembre. « des insultes ont été lancées contre des musulmans qui ont une vision plus humaine de l’islam » par des imprécateurs en quête de brebis galeuses à apostasier. Zineb El Rhazoui, Kamel Daoud, Zohra Bitan et autres « collabeurs » accusés de propager la haine contre leur supposée communauté en savent quelque chose. « On subit la censure. Si vous parlez, des armées virtuelles vous attaquent ou des gens viennent semer la zizanie à la mosquée », s’afflige Drouiche.

« Vendu, collabo, traître, sioniste, pro-juif et pro-français »

Sans craindre l’amalgame, il désigne clairement l’ennemi. « Ils sont dans la thématique du djihad : Daech fait le djihad armé, eux le djihad électronique, judiciaire, dans une logique d’affrontement et de conflit… On va mettre tous les Français qui critiquent l’islam devant les tribunaux ? » Cinq ans après, certains contempteurs de Charlie en rêvent. Après tout, l’aboutissement logique d’une société multiculturelle est peut-être d’interdire le « blasphème », histoire de ne heurter personne… Inquiet, l’imam balaye devant sa porte plutôt que d’accuser les criiques de l’islam d’attiser les tensions, sinon d’exciter les pulsions meurtrières de quelques frapadingues, comme le terroriste de Bayonne. « La relation entre les musulmans et la majorité sociale ne cesse de se dégrader. L’avenir de nos enfants et la paix sociale sont en danger. Les Arabes se font insulter dans la rue, la haine contre les musulmans ne cesse d’augmenter… »

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Son « islam réconciliateur » l’isole-t-il de la communauté des croyants musulmans ? C’est la conviction d’un de ses amis libre penseur, militant laïque de la région, qui admire son courage tout en s’interrogeant : « Qu’est-ce qui le pousse à m’aider et à prendre de tels risques ? » Traité « de vendu, de collabo, de traître, de sioniste, de pro-juif et de pro-français » (rayer la mention inutile), Hocine Drouiche s’est souvent senti esseulé. Quelques jours après l’attentat de l’Hyper cacher, ils n’étaient que trois ou quatre imams à se rendre sur les lieux du massacre commis par Amady Coulibaly pour dénoncer l’antisémitisme islamiste. A Nice, après le drame de la promenade des Anglais, il s’est recueilli seul. « En juillet 2017, j’ai co-organisé la marche musulmane contre le terrorisme avec Chalghoumi et soixante imams. On a marché jusqu’à Berlin. A Paris, le CFMC nous a traités de charlatans, de faux imams. Non seulement ils ne font rien mais ils combattent les rationalistes qui ouvrent une porte de dialogue ! » Vice-président de la Conférence des imams, instance très minoritaire à laquelle appartient l’imam de Drancy Hassen Chalghoumi,  « Bien sûr que je suis minoritaire dans la représentation. Mais je reçois presque 500 personnes par jour dans ma mosquée. »

Le CFCM, combien de divisions ?

Jusqu’à ces derniers jours, Drouiche briguait la présidence de la Grande mosquée de Paris. Patatras, entre-temps, l’inamovible Bouteflika, pardon Boubaker, a laissé la place à son dauphin, en cours à Alger. En vain, Drouiche demandait « le soutien de Macron », conscient que ce genre de tractation « se passe entre la présidence française et la présidence algérienne ».

Voilà un cheval de bataille supplémentaire pour cet homme qui n’en manque pas. L’islam consulaire est une rustine posée sur la plaie du sécessionisme islamiste. Certes, Turquie mise à part, les ambassades n’ont plus prise sur les deuxième, troisième et quatrième générations de musulmans. Mais Alger, Rabat, Ankara voire Riyad ou Doha ont placé leurs pions au sein de l’islam de France. Si bien que « presque tous les imams républicains sont exclus des aumôneries ou de leurs mosquées par le Conseil français du culte musulman (CFCM). La République a installé un élément qui travaille contre la République ! ». Contre ce mercenariat islamique, Drouiche sort les chiffres qui fâchent : d’après l’Institut Montaigne, seuls 9% des musulmans français déclarent se reconnaître dans le CFCM! Peut-être parce que 90% des imams de France restent dépourvus de toute diplôme en théologie…

Non au complotisme

Dernière mise au point, l’imam considère qu’exonérer les musulmans de leurs responsabilités dans la montée de l’islamisme et du djihadisme ne les aide pas. Pire, l’essor des théories du complot (qui s’orientent inexorablement vers qui-vous-savez…) permet aux plus radicaux de « manipuler la foule des musulmans » en la faisant « vivre dans la victimisation ».  Hélas, « ça marche parce que les gens ne veulent pas se libérer ». Souhaitons que l’amour de la liberté conquière les mosquées de France et de Navarre.

 

Détruire le fascisme islamique