«Contre le nouvel antisémitisme» :
des centaines de personnalités signent une tribune
De
nombreuses personnalités parmi lesquelles Elisabeth Badinter, Gérard Depardieu,
Marceline Loridan-Ivens ou Bernard Cazeneuve signent
une tribune dans Le Parisien dans laquelle elles plaident pour que la lutte
contre l'antisémitisme soit élevée au rang de cause nationale.
Par Le Figaro et AFP
agence
Publié le 22 avril 2018
à 08:48, mis à jour le 22 avril 2018 à 13:54
Cette
photo d'illustration a été prise à Jérusalem-ouest devant une échoppe qui vend
des kippas. THOMAS COEX/AFP
Plus
de 250 personnalités signent un manifeste «contre le nouvel antisémitisme» en
France marqué par la «radicalisation islamiste», en dénonçant un «silence
médiatique» et une «épuration ethnique à bas bruit» dans certains quartiers, dans Le Parisien dimanche.
«Nous
demandons que la lutte contre cette faillite démocratique pour que
l'antisémitisme devienne cause nationale avant qu'il ne soit trop tard. Avant
que la France ne soit plus la France», lit-on dans ce texte signé par des
personnalités politiques de droite comme de gauche (Nicolas Sarkozy, Laurent
Wauquiez, Manuel Valls, Bertrand Delanoë, Jean Glavany...), des artistes (Zabou Breitman, Charles Aznavour,
Pierre Arditi, Gérard Depardieu...), des intellectuels (Bernard-Henri Lévy,
Alain Finkielkraut), des journalistes, des responsables religieux juifs,
musulmans et catholiques. Le texte a été rédigé par Philippe Val, ancien
directeur de Charlie
Hebdo.
«Dans
notre histoire récente, onze Juifs viennent d'être assassinés - et certains
torturés - parce que Juifs par des islamistes radicaux», écrivent-ils, en
référence à l'assassinat d'Ilan Halimi en 2006, la tuerie dans une école juive
de Toulouse en 2012, de l'attaque de l'Hyper Cacher en 2015, de la mort par
défenestration à Paris de Sarah Halimi en 2017 et, récemment, du meurtre d'une octogénaire dans la capitale,
Mireille Knoll.
«Les
Français juifs ont 25 fois plus de risques d'être agressés que leurs
concitoyens musulmans», lit-on dans ce manifeste. «Dix pour cent des citoyens
juifs d'Ile de France - c'est-à-dire environ 50.000 personnes - ont récemment
été contraints de déménager parce qu'ils n'étaient plus en sécurité dans
certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l'école
de la République. Il s'agit d'une épuration ethnique à bas bruit au pays d'Emile Zola et de Clemenceau», accusent les signataires. La
«terreur» d'un antisémitisme meurtrier «se répand provocant à la fois la
condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a
contribué à rompre», estiment-ils.
Le
manifeste relève que «la radicalisation islamiste - et l'antisémitisme qu'elle
véhicule - est considérée exclusivement par une partie des élites françaises
comme l'expression d'une révolte sociale (...)». En outre, «au vieil
antisémitisme de l'extrême droite s'ajoute l'antisémitisme d'une partie de la
gauche radicale qui a trouvé dans l'antisionisme l'alibi pour transformer les
bourreaux des juifs en victimes de la société», assène le texte. «La bassesse
électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif»,
accusent les signataires.
Ciblant
principalement ce «nouvel antisémitisme» qui sévit dans les quartiers
populaires sous l'effet d'un islam identitaire voire radical, les signataires
demandant «que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des
juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les
autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et
l'antisémitisme catholique aboli par (le concile) Vatican II, afin qu'aucun
croyant ne puisse s'appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime».
Les
actes antisémites ont été pointés en repli en 2017 (-7%) pour la troisième année
consécutive, selon les données du ministère de l'Intérieur. Mais
cette baisse globale masque l'augmentation des faits les plus graves (+26% des
violences, incendies, dégradations, tentatives d'homicide...). La communauté
juive, qui représente environ 0,7% de la population, est la cible d'un tiers
des faits de haine recensés.
Dans
son dernier rapport, la Commission nationale consultative des droits de
l'Homme (CNCDH) notait une «persistance des préjugés
antisémites traditionnels liant les juifs à l'argent, au pouvoir et leur
reprochant leur communautarisme».
Face à cette situation, le gouvernement a présenté en
mars un deuxième plan (2018-2020) contre le racisme et
l'antisémitisme, en promettant une lutte implacable contre les «torrents de
boue» qui se déversent sur internet.
ENTRETIEN - L'auteur des Territoires
perdus de la République (Fayard) et d'Une France soumise (Albin
Michel) revisite la campagne présidentielle. Fracture sociale, fracture
territoriale, fracture culturelle, désarroi identitaire : pour l'historien,
les questions qui nourrissent l'angoisse française ont été laissées de côté.
Publié le 7 juillet
2017 à 09:00
Georges
Bensoussan: «le plus frappant demeure à mes yeux la façon dont le gauchisme
culturel s'est fait l'allié d'une bourgeoisie financière qui a prôné l'homme
sans racines, le nomade réduit à sa fonction de producteur et de consommateur». Sébastien SORIANO
En
2002, Georges Bensoussan publiait Les
Territoires perdus de la République, un recueil de témoignages
d'enseignants de banlieue qui faisait apparaître l'antisémitisme, la
francophobie et le calvaire des femmes dans les quartiers dits sensibles. «Un
livre qui faisait exploser le mur du déni de la réalité française», se souvient
Alain Finkielkraut, l'un des rares défenseurs de l'ouvrage à l'époque.
Une
France soumise, paru cette année, montrait que ces quinze dernières années tout
s'était aggravé. L'élection présidentielle devait répondre à ce malaise. Mais,
pour Georges Bensoussan, il n'en a rien été. Un voile a été jeté sur les
questions qui fâchent. Un symbole de cet aveuglement? Le meurtre de Sarah
Halimi, défenestrée durant la campagne aux cris d'«Allah Akbar» sans qu'aucun
grand média ne s'en fasse l'écho. Une chape de plomb médiatique, intellectuelle
et politique qui, selon l'historien, évoque de plus en plus l'univers du
célèbre roman de George Orwell, 1984.
L'affaire Sarah Halimi et le tabou du
«nouvel» antisémitisme
FIGAROVOX/DECRYPTAGE - Kobili Traoré, l'homme qui a battu et défenestré Sarah
Halimi le 4 avril à Paris, a été mis en examen pour homicide volontaire. À ce
stade, le caractère antisémite du meurtre n'est pas retenu. Pour Caroline
Valentin, cette affaire est symptomatique du déni français autour de l'antisémitisme
arabo-musulman.
Par Caroline
Valentin
Publié le 14 juillet
2017 à 14:03, mis à jour le 14 juillet 2017 à 16:56
Militaires
en poste devant l'école juive La Source, Marseille, 12 janvier - Crédits photo:
BORIS HORVAT/AFP
Caroline
Valentin est coauteur d' Une France soumise, Les voix du refus (éd. Albin
Michel, 2017).
Dans
la nuit du 4 avril 2017, à Paris, Sarah Halimi, une femme de confession juive
de 65 ans, est sauvagement assassinée. Son meurtrier, Kobili
Traoré, un musulman radicalisé d'origine malienne au casier judiciaire long comme
le bras, s'acharne sur elle pendant 40 longues minutes, d'abord dans le salon
de de Sarah Halimi, puis sur son balcon. Il hurle «Allah Akbar», insulte sa
victime, la traite de «grosse pute», de «sheitane»
(démon en arabe). Plusieurs voisins entendent puis assistent, de leurs fenêtres
ou de la cour, épouvantés, au massacre.
Dans l'excellent article que Noémie Halioua
a consacré à cette affaire dans le dernier numéro de Causeur, elle
rapporte le témoignage de l'un d'entre eux: «la première chose qui m'a
réveillé, c'est des gémissements d'un être vivant en souffrance. C'était de la
torture. Au début, je pense que c'est un animal ou un bébé. Mais après, en
ouvrant le rideau et en ouvrant la fenêtre, je comprends que c'est une femme
qui gémit sous les coups qu'elle reçoit. A chaque
coup, j'entends un gémissement, elle n'a même plus de force pour pousser un
cri». Kobili Traoré tape tellement fort que son poing
droit est tuméfié. Puis, apercevant dans la cour la lumière des lampes torche
de la police, il hurle «attention, il y a une vieille dame qui va se suicider»,
saisit sa victime - encore vivante - par les poignets et la fait basculer
par-dessus la balustrade de son balcon. Sarah Halimi gît dans la cour, morte,
ensanglantée.
Sarah
Halimi connaissait Kobili Traoré, il était son
voisin, il la menaçait constamment, elle avait peur de lui. Cinq ans
auparavant, la sœur de ce dernier avait bousculé l'une des filles de Sarah
Halimi en la traitant de «sale juive». Quelques jours après la mort de Sarah
Halimi, les quelque cinq-cent personnes qui
participent à la marche blanche organisée à Belleville en sa mémoire défileront
sous les - «désormais traditionnels» relève Noémie Halouia
- «morts aux juifs» et «nous on a les kalash» qui fusent des cités voisines.
«Désormais
traditionnels» … Oui, car les précédents sont désormais nombreux. Les «morts
aux juifs» avaient déjà rythmé les défilés des manifestations «pro-palestiniennes» organisées, malgré leur interdiction,
en juillet 2014 notamment à Paris et en Ile-de-France.
Dans
le même registre, les réactions qui ont suivi les meurtres de six personnes
dont trois enfants juifs en 2012 par Mohammed Merah: l'imam bordelais Tareq Oubrou a expliqué avoir dû
passer des semaines de prêche sur ce cas en raison de l'empathie pour Mohammed
Merah que manifestaient les fidèles de sa mosquée ; le frère de Mohammed Merah,
Abdelghani, a, quant à lui, témoigné des you-yous qui ont accompagné la mort de
son frère et des félicitations que certains voisins sont venus présenter à leur
mère, regrettant que Mohammed n'ait pas tué davantage de juifs. Mais cela
remonte encore plus loin: Entre 1999 et 2000, année de la Seconde Intifada, le
nombre d'actes antisémites a été multiplié par neuf, passant de 82 à 744.
Depuis, il reste à un niveau extraordinairement élevé compte tenu du faible
nombre de juifs en France, oscillant selon les années entre 400 et 900 environ,
en fonction, surtout, des soubresauts du conflit israélo-palestinien. En 2002,
la publication de «Les territoires perdus de la République», montre avec force
témoignage la prééminence, l'ampleur et la violence de la haine à l'encontre
des juifs dans certains quartiers sensibles. Ce ne sont ici que quelques
exemples, parmi tant d'autres preuves qui s'accumulent depuis près de vingt ans
maintenant. Pourtant, aucune de ces alertes n'a réussi à briser l'omerta
politique et médiatique.
le
rapport de l'Institut Montaigne sur « l'islam de France » publié en
septembre 2016 indique que « l'antisémitisme était un marqueur d'appartenance
» pour un quart des musulmans
Le
meurtre atroce de Sarah Halimi n'a pas davantage rompu ce silence. La France
est alors en pleine campagne présidentielle, les quatre candidats en tête des
sondages sont dans un mouchoir de poche. Il faut soigner ses électeurs et,
disons-le tout net, les juifs sont bien moins nombreux que les musulmans -
moins de 500 000 contre près de 6 millions. De surcroît, le rapport de
l'Institut Montaigne sur «l'islam de France» publié en septembre 2016 indique
que «l'antisémitisme était un marqueur d'appartenance» pour un quart des
musulmans et le sondage Fondapol de novembre 2014,
que «Les musulmans répondants sont deux à trois
fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés
contre les juifs. La proportion est d'autant plus grande que la personne interrogée
déclare un engagement plus grand dans la religion.»
En ce
début avril 2017, Emmanuel Macron est mis en difficulté par l'affaire Mohammed Saou. On vient tout juste de découvrir que ce référent «En
Marche» du Val d'Oise a notamment partagé des posts
Facebook de Marwan Muhammad, fondateur de «l'effrayant» - comme le dit Alain
Finkielkraut - CCIF (Comité contre l'islamophobie en France, organe proche des
Frères musulmans qui sont l'une des têtes de pont de l'islam fondamentaliste
politique en France) ; qu'il soutient le régime d'Erdogan en Turquie ; qu'il a
déclaré qu'il «n'a jamais été et ne serait jamais Charlie». Emmanuel Macron
louvoie, écarte provisoirement Saou de ses fonctions
tout en louant son travail remarquable et reporte la décision le concernant à
celle de la commission éthique de son mouvement … Décision dont on n'entendra
évidemment jamais parler. (Le même Saou vient
d'ailleurs d'être réintégré dans ses fonctions départementales.) François
Fillon, empêtré dans ses affaires de famille et de costumes, n'ose plus bouger
une oreille de peur de perdre les quelques centaines de milliers de voix qui
pourraient faire la différence pour une qualification au second tour.
Jean-Luc
Mélenchon fait de grandes déclarations sur la laïcité mais brigue sans aucune
vergogne le vote communautariste musulman et s'entoure de qui il faut pour
cela. (Pour preuve, quelques semaines plus tard, on apprendra que Danièle Obono, fraîchement élue députée de la France Insoumise, est
proche du Parti des Indigènes de la République, groupuscule identitaire dont la
porte-parole, Houria Bouteldja, s'est notamment
illustrée en déclarant «Mohamed Merah, c'est moi, et moi, je suis lui». Ces
révélations n'entameront en rien l'enthousiasme du soutien dont Madame Obono bénéficie de la part de Jean-Luc Mélenchon.) Dans
cette collection de tartuffes, il n'y a que Marine Le Pen, pourtant l'héritière
d'un parti fondé notamment par des antisémites à peine repentis, pour condamner
- à une petite reprise, et sans non plus en faire son cheval de bataille - ce
crime et demander que l'on aborde enfin le sujet de «l'antisémitisme
islamiste».
Qu'on
aborde enfin ce sujet? Effectivement, il serait temps. Mais qui osera encore le
faire? Georges Bensoussan, historien de la Shoah, spécialiste du monde arabe, a
payé très cher de l'avoir évoqué lors de l'émission «Répliques» d'Alain
Finkielkraut au début du mois d'octobre 2015: tribunes extraordinairement
violentes se multipliant pour condamner le soi-disant «racisme» des propos de
Georges Bensoussan, émanant non seulement de l'habituelle police de la pensée
politique innervée par la gauche universitaire mais également de cette frange
d'intellectuels juifs (tels Bernard Schalscha dans la
Règle du Jeu) qui estime sans doute qu'à force de faire comme si cet
antisémitisme n'existait pas, il finirait bien par disparaître ; mise en garde
du CSA adressée à France Culture ; et, finalement, procès à l'initiative du
Parquet qui verra les principales associations antiracistes, y comris la Licra , communier avec l'islam politique
représenté par le CCIF dans la dénonciation des propos de l'historien.
La
relaxe de ce dernier est exemplaire, en particulier eu égard à sa motivation limpide.
En soulignant qu'il s'agissait pour l'historien non pas d'exprimer une haine
mais au contraire une inquiétude, d'appeler «non pas à une séparation de la
fraction supposée avoir fait sécession, à son rejet, son bannissement ou son
éradication, mais au contraire à sa réintégration dans la nation française», le
tribunal a remis en quelque sorte les pendules de l'antiracisme à l'heure et
entendu Alain Finkielkraut qui, s'exprimant à la barre, avait déploré «un
antiracisme dévoyé qui demande de criminaliser une inquiétude au lieu de
combattre la réalité sur laquelle elle se fonde»: lutter contre le racisme,
permettre l'intégration au sein de la nation de populations de cultures
étrangères, cela commence par combattre ce qui constitue un obstacle à cette intégration
et, en la matière, la fatalité n'existe pas.
Cet
antisémitisme n'est pas né du conflit israélo-palestinien, il s'en nourrit. Ce
conflit ne crée pas cette haine, il n'augmente pas son intensité
Il
semble qu'il soit en vérité aujourd'hui politiquement très difficile de faire
coexister, dans un même discours, lutte contre le racisme et contre
l'antisémitisme. Les principaux coupables du second se recrutent parmi les
principales victimes du premier. L'apparition de cet antisémitisme, nouveau
sous nos cieux, s'inscrit dans une recrudescence puissante du fondamentalisme
musulman qui n'épargne pas la France. Cette recrudescence ne se traduit pas que
par des attentats effroyables mais, comme le dit Elisabeth Badinter, par
l'apparition d' «une seconde société» qui «tente de s'imposer insidieusement à
notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le
séparatisme voire la sécession.»
L'hostilité
de cette contre-société ne concerne pas uniquement la laïcité, elle vise
beaucoup plus largement nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité.
Car point d'égalité dans une contre-société fondamentaliste qui se définit sur
un principe identitaire, pour laquelle l'individu musulman, la oumma, le dar al
islam sont supérieurs à tout autre individu, communauté ou nation non
musulmane. Point de fraternité universelle mais une fraternité réduite à une
communauté des croyants qui se définit en conflit avec l'Occident en général et
la France en particulier. Point de liberté dans un groupe qui fonctionne sur un
mode clanique, imposant à chacun de ses membres la soumission à Dieu, à
l'islam, à ses dogmes et à ses combats, en ce compris le positionnement
conflictuel vis-à-vis de la civilisation occidentale. Cet islam politique ne
reconnaît pas une seule et même humanité mais des humanités différentes.
Certains hommes valent plus que d'autres à ses yeux. Et dans les formes
paroxystiques de ce fondamentalisme religieux, certains hommes ne valent rien.
On
comprend dès lors très bien pourquoi l'antisémitisme prospère au sein de cet
islam fondamentaliste. Il n'est qu'une des formes d'un rejet de l'autre qui est
consubstantiel à cet islamisme et qui se décline aussi sous la forme de
racisme, de xénophobie, d'homophobie, de sexisme.
La
haine du juif reste cependant la plus intense. D'aucuns attribuent celle-ci au
conflit israélo-palestinien, à la politique israélienne et notamment à la
poursuite des installations israéliennes en territoire palestinien. Mais ils ne
savent pas ou prétendent ne pas savoir qu'il plonge ses racines dans une
histoire beaucoup plus ancienne. Dans son livre de référence «Juifs en pays
arabes - Le grand déracinement: 1850-1975», Georges Bensoussan rapporte la
violence de cet antisémitisme dans les pays arabes et ce, de temps immémoriaux
; il explique comment, du Maghreb à l'Irak et de l'Égypte au Yémen, la vie de
dhimmitude des juifs dans le monde arabe n'avait rien à envier, en termes
d'oppression subie, de misère imposée, de sous-citoyenneté, d'humiliations et
occasionnellement de pogroms, à celle des juifs dans l'empire des tsars. Cet
antisémitisme n'est pas né du conflit israélo-palestinien, il s'en nourrit.
Ce
conflit ne crée pas cette haine, il n'augmente pas son intensité ; en revanche,
en lui procurant le soutien de toute une gauche qui, comme le démontre Jean Birnbaum, ne comprend décidément rien au fait religieux, il
légitime son expression. En mettant ses réseaux, sa culture, sa verve, son
accès aux médias, sa place privilégiée à l'université et dans le monde de la
recherche au service des combats arabo-musulmans, tant en France qu'à
l'étranger, la gauche - extrême, morale, «antiraciste» par psittacisme plutôt
que par conviction - n'est pas seulement bête, elle est extraordinairement
néfaste. Elle fournit à nos adversaires (dont elle se refuse à voir qu'ils sont
aussi, et d'une certaine manière surtout, les siens) une façade humaniste que
leurs motifs et leurs buts n'ont pas. Nos alliances avec l'Arabie Saoudite ou
le Qatar, nos interventions militaires ratées au Moyen-Orient, la colonisation
des XIXème et XXème siècles sont elles aussi instrumentalisées pour justifier
ce qui est présenté comme une résistance légitime à l'oppression. Mais encore
une fois, ce sont nos cerveaux occidentaux qui sont sensibles à ces disputatio
brillantes, argumentées, rationnelles ; dans l'esprit conquérant de l'islam
politique, le combat contre l'Occident n'a pas besoin de ces justifications.
Le
soutien de ces «idiots utiles» est en grande partie la cause du silence de l'Etat sur l'antisémitisme des «quartiers». Car malgré sa
faible représentativité électorale, cette gauche est extrêmement influente dans
les corps intermédiaires, elle a ses entrées dans un grand nombre de médias,
est passée maître dans l'art de manipuler des éléments de langage droits-de-l'hommistes dégoulinants de pathos.
Aujourd'hui,
il est permis de dire certaines choses qui, il y a vingt ans, dix ans, voire
même cinq ans eurent valu à leurs auteurs le pilori de la part de la gauche
morale: on peut dire qu'il est possible d'être d'extrême-droite sans être
antisémite ; on peut même dire qu'il existe un antisémitisme d'extrême-gauche ;
mais on ne peut pas encore dire qu'il existe un antisémitisme arabo-musulman.
Pour en parler, il est plus prudent de faire référence au «nouvel» antisémitisme
et rester dans les allusions, les périphrases et les sous-entendus. A la moindre erreur, à la moindre référence trop directe,
la cabale obscurantiste de ces inquisiteurs modernes se déchaîne et le
contrevenant est immédiatement envoyé rôtir dans l'enfer du racisme, sans
qu'aucun gage de sa moralité et des motivations réelles, aussi irrécusable
soit-il, ne puisse l'en sortir. Car répondre à des accusations aussi graves et
se justifier demande des explications longues, à étapes, incompatibles avec
l'immédiateté des médias et leur incapacité à traduire la subtilité et la
complexité. Et on le sait bien, le démenti a beaucoup moins d'impact que
l'accusation: une fois que le doute plane, c'est mort, et nos responsables
politiques l'ont compris depuis longtemps.
Le
meurtre de Sarah Halimi doit être compris comme une alarme qui nous rappelle à
nous-mêmes, à ce qui nous définit.
Cette
inertie est indigne de nous.
«Plus
une société s'éloigne de la vérité, plus elle hait ceux qui la disent» nous
prévenait George Orwell. L'incapacité politique de désigner cet antisémitisme
pour ce qu'il est interdit d'en faire l'analyse historique, anthropologique et
religieuse et par voie de conséquence, d'entreprendre les actions spécifiques
et ciblées qui seraient nécessaires pour le vaincre. La France s'enfonce chaque
jour un peu plus dans une politique multiculturaliste à relents -
involontairement, mais inévitablement - racialistes. Racialistes pour ne pas
dire racistes car cette attitude culturaliste qui prétend être inspirée par le
respect de cultures différentes n'est rien d'autre que l'abandon à bas bruit de
notre modèle d'intégration, jugé inaccessible pour ces populations, présumées,
par nos responsables politiques chaperonnés par une partie de nos associations
antiracistes, comme incapables de sortir de leurs modes de pensée et de
fonctionnements archaïques. On a renoncé à aider ces populations, à leur tendre
la main. En abandonnant les juifs, on a aussi abandonné ces dernières et, ce
faisant, nous nous sommes perdus nous-mêmes.
Le
meurtre de Sarah Halimi doit être compris comme une alarme qui nous rappelle à
nous-mêmes, à ce qui nous définit. Cette inertie est indigne de nous. La
France, pays des Lumières, berceau des valeurs universelles des droits de
l'homme, ne peut pas être un pays où les juifs se font agresser et tuer, parce
que juifs, dans l'indifférence générale. Nous sommes tous héritiers d'une
histoire, nous sommes tous comptables d'un héritage qui va de Salomon de Troyes
à la France de Vichy en passant par l'émancipation des juifs en 1791 (que la
France a été la première en Europe à consentir) et par l'affaire Dreyfus. Par
respect pour ce que nous sommes, pour ce que nous nous targuons de représenter,
nous n'avons pas le droit d'assister sans réagir à la montée de la haine contre
nos concitoyens juifs. Il en va de notre admiration pour la France et, en
définitive, de notre fierté d'être français.
FIGAROVOX/ENTRETIEN -
Alexis Lacroix est l'auteur d'un nouveau «J'accuse» : selon lui, la France
commence seulement à se réveiller face à la montée de l'antisémitisme. Celui-ci
s'est manifesté à nouveau tragiquement dans le meurtre de Mireille Knoll, un an
après celui de Sarah Halimi.
Par Aziliz Le Corre
Publié le 29 mars 2018
à 18:41, mis à jour le 5 avril 2018 à 09:07
Alexis Lacroix est
directeur délégué de la rédaction de L'Express. Il est l'auteur de J'accuse: 1898-2018, Permanences de
l'antisémitisme(éd. de L'Observatoire, 2018).
FIGAROVOX. - Un an
après le meurtre de Sarah Halimi, nous apprenons la mort de Mireille Knoll dans
des circonstances similaires. Que cela nous dit-il de la situation de
l'antisémitisme en France?
Alexis LACROIX. - Que la cote
d'alerte est atteinte. Et que le déni vertueux a assez duré. Déni vertueux,
oui, car, sous prétexte de ne stigmatiser personne, nous avons collectivement ajourné
le moment de nommer l'ennemi. Et l'ennemi, c'est, comme l'a dit le président de
la République lors de son hommage à Arnaud Beltrame, l'islamisme - un islamisme
pas forcément «souterrain», mais en effet toujours «insidieux», qui mine des
arpents entiers de notre République et y contrebat l'État de droit.
Les Frères musulmans,
qui ne représentent aucunement les musulmans de France, excellent dans la
pratique de l'infiltration idéologique. S'ils ne prêchent pas toujours
ouvertement l'antisémitisme, leur militance est le terreau sur lequel celui-ci
s'est développé, suivant la logique patiente, et comme machiavélienne, d'un
travail de sape.
Les médias ont été
plutôt discrets au moment de l'affaire Halimi. Pensez-vous qu'au lendemain des
attentats de Trèbes, le meurtre de Mireille Knoll va susciter une indignation
de masse?
La République a, trop
longtemps, trop reculé. Il fallait réagir avec la gravité et la hauteur
requises. La marche blanche du 28 mars, malgré les incidents qui l'ont
émaillée, va dans le bon sens. Elle montre que, partout, en France, s'amorce
une esquisse de prise de conscience. Des quatre coins du pays, au sein de
milieux sociologiquement, politiquement, religieusement très divers, ces crimes
sont - enfin! - tenus pour inacceptables.
Dans le désastre et la
détresse qui frappe la France avec le meurtre de Mireille Knoll, c'est, ne
serait-ce que par rapport à l'année dernière, une frêle lueur d'espoir.
Souvenez-vous: il y a un an exactement, lorsque Sarah Halimi a été défenestrée
par son voisin, il n'y a pas eu de manifestation où la nation aurait pu
signifier son indignation et son deuil. Et lorsque plusieurs intellectuels
comme Alain Finkielkraut, Elisabeth Badinter ou Jacques Julliard ont publié une
tribune pour que soit reconnu le mobile antisémite de l'assassin, ils n'ont pas
eu droit, c'est le moins qu'on puisse dire, à l'écho que leur geste méritait.
Des quatre coins du pays, au
sein de milieux sociologiquement, politiquement, religieusement très divers,
ces crimes sont enfin ! - tenus pour inacceptables.
Certes, depuis hier, ce
n'est pas encore une indignation de masse qui déferle. Mais le verrou mental
qui empêchait de dire «stop à l'intolérable!» a sauté. Continuons le combat, il
sera «churchillien»…
Ne faut-il pas d'abord
lutter contre l'islamisme pour combattre l'antisémitisme?
Attention! Il n'y a pas
une lutte avant l'autre. C'est leur conjonction qu'il faut repenser. La haine
des juifs et d'Israël nourrit l'islamisme, et l'islamisme nourrit la haine des
Juifs et d'Israël. Nous n'accordons pas assez de poids, dans la bataille
culturelle qui s'ouvre, à la parole de ces musulmans, célèbres ou anonymes, qui
s'opposent aux Frères musulmans et aux salafistes et qui, à ce titre, par leur
courage insigne, sont des sentinelles de la res publica.
Il y a douze ans,
lorsqu'Ayaan Hirsi Ali,
cette ex-députée néerlandaise d'origine somalienne, a été condamnée à mort par
des groupes islamistes d'Amsterdam, qui, en France, lui a tendu la main, sinon
une poignée d'intellectuels, comme Bernard-Henri Lévy ou Laurent Joffrin? Qui a
donné, dans l'institution académique, la place qui leur revenait, de leur
vivant, à des savants comme Abdelwahab Meddeb ou Mohammed Arkoun, ces
représentants de l'islam des Lumières, ou à un écrivain admirable comme Boualem
Sansal? Qui tend la main, mais concrètement, à toutes ces femmes courage qui,
dans les quartiers, affrontent au péril de leur vie la férule tranquille et
quotidienne du clan?
Dans votre livre vous
accusez l'extrême-droite de faire vivre, aujourd'hui encore, l'antisémitisme.
N'est-ce pas se tromper d'ennemi, surtout quand on sait que Jean-Marie Le Pen a
été écarté du Front national?
Soyons exacts! Je dis
qu'une double tenaille comprime encore la réflexion sur le néoantisémitisme:
d'un côté, le discours d'une gauche radicale qui, avec Alain Badiou et
Médiapart, a longtemps noyé l'antisémitisme dans ses causalités sociales ; de
l'autre, une droite identitaire qui court de la droite de LR au FN, et pour
laquelle l'islam comme tel est le coupable. Je dis que, contre cette «plénelisation» d'un côté, et cette «buissonnisation»
de l'autre, contre les deux faces complémentaires de la même mauvaise médaille,
il faudrait être capable de penser le fait que l'antisémitisme, aujourd'hui
comme hier, est toujours le vecteur d'une guerre à outrance contre la
République.
Les antisémites sont
des anti-républicains enragés et les anti-républicains enragés sont, comme par
hasard, des antisémites confirmés. C'est comme ça. C'était le cas pendant
l'Affaire Dreyfus. Puis, dans les années 30. Après 1967. Et c'est, à nouveau,
comme cela. Permanences du pire. C'est comme un théorème de notre vie politique.
Vous me faites
remarquer que M. Le Pen a été écarté du parti qu'il a fondé. Soit. Je sais,
aussi, que sa fille, Marine Le Pen, s'affiche volontiers «pro-Israël». Cela
rend-il pour autant leur parti moins radioactif? Il y a une histoire des
institutions et des entités.
Alors qu'Antoine
Gallimard a suspendu la publication des pamphlets de Céline, que Maurras a été
retiré de la liste des commémorations de l'année 2018, l'élu à la mairie de
Paris, Alexandre Vesperini, veut débaptiser une rue
au nom du philosophe Alain, pour les propos antisémites tenus dans son journal.
Faut-il vraiment tout interdire?
Je ne pense pas, non,
qu'il faille tout interdire! Mais, de grâce, tenons compte du contexte - nous
sortons à peine, avec la marche blanche, d'une longue glaciation de l'esprit,
qui a duré près de vingt ans, et au cours de laquelle l'antisémitisme a été
obstinément dédramatisé.
Nous sortons à peine, avec la
marche blanche, d'une longue glaciation de l'esprit.
Bien sûr, punir
rétrospectivement le grand républicain qu'a été Alain, alias Emile Chartier, n'est sans doute pas une cause prioritaire,
mais enfin… Moi qui apprécie le grand professeur et le maître à vivre, je suis
quand même effondré par ce que nous venons d'apprendre. Et puis, je n'éprouve
aucune empathie pour ces gens qui se délectent de la prose convulsée de tel
écrivain collabo et qui tiennent leur dilection pour le comble du chic. Je ne vois
pas pourquoi on devrait avoir, à tout prendre, plus de tolérance pour
l'antisémitisme salonard d'un Paul Morand insultant les Israéliens après la
victoire de 1967, que pour les jurons d'une «caillera».
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L'affaire Sarah Halimi et le tabou du «nouvel»
antisémitisme
INTERVIEW - Le philosophe
spécialiste des religions* rappelle que le Coran est censé être l'œuvre, non
d'un homme, mais de Dieu qui l'aurait dicté à Mahomet.
Par Eugénie Bastié
Publié le 24 avril 2018
à 19:30, mis à jour le 25 avril 2018 à 20:26
Rémi
Brague: «Les intellectuels musulmans de bonne volonté, comme récemment Rachid
Benzine, souhaitent, non qu'on expurge le Coran, mais qu'on en fasse une
“lecture critique”». Jean-Christophe MARMARA/Le
Figaro
LE FIGARO. - Dans une tribune, 300
personnalités s'engagent contre l'antisémitisme islamiste. L'antisémitisme
est-il fermement inscrit dans la religion musulmane?
Rémi
BRAGUE. - Il existe des langues que l'on classe par commodité
dans la famille sémitique, comme l'arabe, l'hébreu, l'araméen, le ge'ez, etc. L'antisémitisme suppose, à tort, qu'il y a des
peuples «sémitiques», selon une fumeuse conception biologique des «races» qui
ne remonte qu'au XIXe siècle. Il n'y a donc pas, en rigueur de termes,
d'antisémitisme religieux, chrétien ou musulman. Mais attention à
l'échappatoire facile: «Nous ne pouvons pas être antisémites, nous sommes
nous-mêmes des Sémites!» Car la vraie question est celle de l'antijudaïsme. Non
la critique argumentée des dogmes du judaïsme, qui a son pendant dans la critique
juive des croyances chrétiennes ou islamiques, mais bien la haine, mêlée de
mépris ou d'envie, envers les juifs.
L’antisémitisme et l’islam: soyons réalistes, réformons l’irréformable
Réponse au spécialiste de l'islam, Rémi Brague
Par André Sénik - 30 avril 2018.
https://www.causeur.fr/antisemitisme-islam-coran-manifeste-brague-150889
Marche blanche en hommage à
Mireille Knoll, mars 2018, Paris. SIPA. 00852015_000096
Rémi
Brague est l’un des plus éminents connaisseurs de l’Islam et du christianisme.
Dans une interview au Figaro, il adresse des critiques
acerbes au « Manifeste contre l’antisémitisme islamiste ». Il y traite les auteurs de ce
texte d’ignorants, et s’applique à corriger leurs erreurs. En tant que
signataire du manifeste, je crois nécessaire de lui répondre.
L’antisémitisme n’est pas qu’un antijudaïsme
Son
premier reproche vise l’usage du mot « antisémitisme », qu’il
juge inapproprié, et auquel il préfère le mot « antijudaïsme ». Sur
ce point de vocabulaire, Rémi Brague se trompe. Dans un appel destiné au grand
public, le mot antisémitisme s’imposait, car tout le monde comprend qu’il
désigne la haine envers les Juifs en tant que personnes. Le terme d’antijudaïsme
eut été tout à fait inapproprié, car il désigne avant tout la dimension
théologique de l’hostilité envers les Juifs. Nous n’en sommes hélas pas là : la
haine islamiste envers les Juifs, quoique d’inspiration religieuse, ne vise pas
le judaïsme, ne vise pas la religion ou la culture des Juifs. Elle vise les
Juifs en tant qu’êtres humains, qu’ils soient croyants ou non, qu’ils soient adultes
ou enfants. Les nazis non plus n’étaient pas animés par l’antijudaïsme, mais
par cette pathologie que tout le monde nomme antisémitisme.
À lire aussi: Antisémitisme: ils en ont parlé ! Enfin presque…
On peut
vite passer outre cette leçon de vocabulaire, car Rémi Brague a l’immense mérite de ne pas s’en servir pour minimiser la
haine envers les Juifs qu’on trouve à une intensité spécifique chez les
musulmans. « Mais attention à l’échappatoire facile : ‘Nous ne
pouvons pas être antisémites, nous sommes nous-mêmes des Sémites!’. Car la
vraie question est celle de l’antijudaïsme. Non la critique argumentée des
dogmes du judaïsme, qui a son pendant dans la critique juive des croyances chrétiennes
ou islamiques, mais bien la haine, mêlée de mépris ou d’envie, envers les juifs.
(…) Quant aux pays islamiques, l’orientaliste hongrois Ignaz Goldziher raconte
qu’il a entendu un Syrien battre son âne en le traitant de juif… C’était en
1874. D’après l’extraordinaire BD L’Arabe du futur, dans
laquelle Riad Sattouf raconte son enfance dans la Libye, puis la Syrie des années 1980,
la haine du juif y est répandue depuis le plus jeune âge. »
Islam, Église catholique: pas
d’amalgame ?
Et ce
n’est pas fini. Rémi Brague poursuit allègrement. « Le hadith attribue
à Mahomet des déclarations plus raides encore. La biographie officielle de
Mahomet, la Sira, raconte que celui-ci aurait fait torturer le
trésorier d’une tribu juive pour lui faire cracher où le magot était enterré
(traduction A. Badawi, t. 2, p. 281 s.). Les
assassins d’Ilan Halimi s’en seraient-ils souvenus ? » Voilà ce
qui s’appelle ne pas y aller par quatre chemins. Georges Bensoussan s’est vu intenter un procès
en islamophobie pour beaucoup moins que cela.
Puisqu’il
y a accord sur le constat, quel est le reproche essentiel adressé par Rémi
Brague au manifeste ?
À lire aussi: Tribune des 30 imams contre la radicalisation: c’est pas nous, c’est les
autres !
Rémi
Brague ne supporte pas du tout que le manifeste établisse un parallèle entre
l’islam et l’Église catholique, quand il demande aux musulmans de faire à leur
tour le travail de révision effectué par elle à l’occasion de Vatican II.
Il
signale à juste titre deux différences qui rendent le renoncement à l’antisémitisme
beaucoup plus difficile par les musulmans que pour les catholiques. À la
différence des textes sacrés des autres religions, dans le Coran,
Dieu s’exprime en personne, et, du coup, son message est inaltérable et vaut
pour tous les temps. Par ailleurs, l’islam ne dispose pas d’une autorité
supérieure habilitée, comme l’était Vatican II, à fixer le sens qu’il faut donner
aux formulations du texte sacré.
Les autres se sont adaptés
Rémi
Brague en conclut : « Tant qu’on n’aura pas affronté
la question de l’auteur du Coran, on n’avancera pas. » Autrement
dit, rien ne bougera tant que les musulmans n’auront pas changé la nature de
leur Dieu. Ce qui n’est pas demain la veille. Un changement de cette nature
n’est d’ailleurs facile pour aucune religion. Combien de Juifs et de Chrétiens
ont-ils accepté de changer « leur concept de Dieu après Auschwitz »,
comme le demandait le théologien Hans Jonas, pour renoncer à l’indéfendable
idée de sa toute-puissance ?
La
connaissance de ce qu’est le Coran invaliderait donc les
demandes du manifeste et condamnerait à l’inanité les efforts de réforme de
l’Islam tentés par certains musulmans. Le diagnostic de Rémi Brague pousse au
découragement et au renoncement. Les difficultés qu’il expose sont
incontestables. Les surmonter est l’affaire des croyants. Mais ce n’est pas une
raison pour que les sociétés démocratiques tolèrent chez elles des textes qui
prêchent des incitations à la haine et à la violence contre un groupe humain,
les Juifs, et cela quand ces incitations sont parfois suivies d’effets
meurtriers. La responsabilité de nos sociétés est de dire franchement et
publiquement aux religions et aux idéologies séculières ce qui n’est pas
tolérable.
La
religion juive s’est adaptée aux lois de la République quand Napoléon en a fait
la condition impérative de sa reconnaissance par l’État. La religion catholique
a fait de même, quand elle a cessé de combattre les droits de l’homme au nom
des droits de Dieu.
La responsabilité des croyants
La
responsabilité des croyants est de trouver les moyens de rendre leurs croyances
et leurs textes sacrés compatibles avec les principes et les valeurs des sociétés
démocratiques modernes. Si cela n’est pas théologiquement possible, cela l’est
historiquement.
La
première raison d’œuvrer dans ce sens est qu’une partie des musulmans de France
se conforme déjà largement à la culture du pays où ils vivent. Ces Français
musulmans s’indignent des crimes commis au nom de l’Islam. Ils condamnent les
criminels en disant : « Ces gens-là ne sont pas de vrais musulmans. Leur
Islam est une perversion de l’Islam véritable, qui est une religion d’amour et
de miséricorde. » Eh bien, le meilleur moyen de leur donner raison est de
désarmer les passages pousse-au-crime du Coran.
Cela
suppose d’encourager toutes les tentatives allant dans ce sens. Quand Rémi
Brague évoque « les intellectuels musulmans de bonne
volonté », comme récemment « Rachid Benzine, (qui)
souhaitent, non qu’on expurge le Coran, mais qu’on en fasse une ‘lecture
critique’ », il
a tort de leur répliquer que c’est mission impossible, le Coran étant
ce qu’il est.
À lire
aussi: Il faut encourager le développement d’un « islam des Lumières »
Quand Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux,
tout en critiquant le manifeste, déclare : « le Coran est
sacré, pas son interprétation », il vaut mieux soutenir ses efforts
que de démontrer qu’ils sont théologiquement voués à l’échec.
À moins
de vouloir expulser de France les musulmans, en les jugeant définitivement non
intégrables, nous n’avons pas d’autre perspective que leur intégration à notre
culture. Cette intégration doit faire l’objet d’un combat culturel.
C’est
pourquoi le manifeste contre l’antisémitisme islamiste est le meilleur service
que l’on puisse rendre à l’Islam, afin qu’il se rende compatible, comme les
autres religions l’ont fait, avec la démocratie et la modernité.
Rémi Brague : «Le
parallèle entre antijudaïsme musulman et antijudaïsme catholique est faux»
Le philosophe
spécialiste des religions* rappelle que le Coran est censé être l’œuvre, non
d’un homme, mais de Dieu qui l’aurait dicté à Mahomet.
LE
FIGARO. – Dans une tribune, 300 personnalités s’engagent
contre l’antisémitisme islamiste. L’antisémitisme est-il fermement inscrit dans
la religion musulmane?
Rémi BRAGUE.
– Il
existe des langues que l’on classe par commodité dans la famille sémitique,
comme l’arabe, l’hébreu, l’araméen, le ge’ez, etc.
L’antisémitisme suppose, à tort, qu’il y a des peuples «sémitiques», selon une
fumeuse conception biologique des «races» qui ne remonte qu’au
XIXe siècle. Il n’y a donc pas, en rigueur de termes, d’antisémitisme
religieux, chrétien ou musulman. Mais attention à l’échappatoire facile: «Nous
ne pouvons pas être antisémites, nous sommes nous-mêmes des Sémites!» Car la
vraie question est celle de l’antijudaïsme. Non la critique argumentée des
dogmes du judaïsme, qui a son pendant dans la critique juive des croyances
chrétiennes ou islamiques, mais bien la haine, mêlée de mépris ou d’envie,
envers les juifs.
» LIRE
AUSSI – Les musulmans divisés sur le
«nouvel antisémitisme»
Chez
beaucoup de chrétiens, elle existe ou — soyons optimistes —, elle a existé,
quoique, chez certains, en grattant un peu, bref… Quant aux pays islamiques,
l’orientaliste hongrois Ignaz Goldziher raconte qu’il a entendu un Syrien
battre son âne en le traitant de juif… C’était en 1874. D’après l’extraordinaire
BD L’Arabe du futur, dans laquelle Riad Sattouf raconte son
enfance dans la Libye, puis la Syrie des années 1980, la haine du juif y est répandue
depuis le plus jeune âge. Bien sûr, les gens intelligents distinguent celle-ci
de la critique de l’État d’Israël, qui se rencontre aussi chez des Israéliens.
Mais l’homme de la rue, et de nos banlieues, ne s’embarrasse pas de ces subtilités.
Que
disent les textes islamiques?
Les
textes fondateurs, le Coran, demande aux croyants de ne pas choisir leurs amis
chez les juifs ou les chrétiens (V, 51). Il accuse les deux d’avoir ajouté au
Dieu unique des créatures, Jésus ou le mystérieux Uzayr
(IX, 30).
Les juifs
auraient altérél’Écriture sainte (II, 75). Les juifs
sont des gens qui ont manqué le coche deux fois: en refusant Jésus, puis en
refusant Mahomet.
Le hadith
attribue à Mahomet des déclarations plus raides encore. La biographie officielle
de Mahomet, la sira, raconte que celui-ci
aurait fait torturer le trésorier d’une tribu juive pour lui faire cracher où le
magot était enterré (traduction A. Badawi, t. 2, p. 281 s.).
Les assassins d’Ilan Halimi s’en seraient-ils souvenus?
«La législation islamique,
aujourd’hui tombée en désuétude, octroie aux juifs, comme aux chrétiens, une
place de sujets soumis à un impôt spécial et à diverses interdictions et obligations»
La
législation islamique, aujourd’hui tombée en désuétude, octroie aux juifs, comme
aux chrétiens, une place de sujets soumis à un impôt spécial et à diverses
interdictions et obligations comme, pour les juifs, le port d’une pièce de
vêtement jaune.
» LIRE
AUSSI – Ce que dit l’islam sur les
juifs
Les
signataires demandent que «les versets du Coran appelant au meurtre et au
châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés
d’obsolescence par les autorités théologiques comme le furent les incohérences
de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun
croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime». Cette
proposition vous semble-t-elle raisonnable ou peu crédible?
J’ignore
qui a rédigé cette tribune, mais il me semble peu au courant des croyances de
l’islam. Le mot d’antisémitisme est faux, je viens de le dire. Le parallèle
avec l’antijudaïsme catholique (celui de Luther n’était d’ailleurs pas piqué
des vers non plus) est faux lui aussi. Ensuite, la question ne se pose pas de
la même façon pour la Bible et le Coran.
La Bible
est censée être inspirée, mais ses auteurs sont humains et donc marqués par la
vision du monde et les préjugés de leur époque.
Le Coran est censé être l’œuvre, non d’un homme, mais de Dieu qui l’aurait
dicté à Mahomet. Dieu est éternel, il sait tout, même l’avenir.
Les
intellectuels musulmans de bonne volonté, comme récemment Rachid Benzine,
souhaitent, non qu’on expurge le Coran, mais qu’on en fasse une «lecture
critique». Mais comment replacer dans son temps, «contextualiser» comme on dit,
la parole d’un Dieu éternel? Tant qu’on n’aura pas affronté la question de
l’auteur du Coran, on n’avancera pas.
La
référence à Vatican II est souvent employée pour demander un aggiornamento de
l’islam. Ce parallèle avec le christianisme est-il pertinent?
Ce
parallèle boiteux est le fait de gros malins peu informés. Les différences sont
flagrantes: Vatican II, et l’idée d’aggiornamento, ont été lancés par le pape Jean XXIII.
Il n’a pas d’équivalent en islam, qui n’a pas de magistère et n’en a pas
besoin. Ce qui en tient lieu est l’«accord unanime» de la communauté. Mais
personne n’est habilité à le définir avec autorité. Ensuite, comment mettre «au
goût du jour» un message émis par un Dieu éternel?
* Auteur
de Sur la
religion, chez Flammarion.
from
Tumblr https://reseau-actu.tumblr.com/post/173298584071
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Un manifeste signé par
300 personnalités demande aux imams de réinterpréter certains passages haineux
du Coran. La Grande mosquée de Paris dénonce un «procès injuste et délirant»
fait aux musulmans.
Publié le 22 avril 2018
à 20:26, mis à jour le 23 avril 2018 à 19:55
Les
musulmans divisés sur le «nouvel antisémitisme»
Un manifeste signé par 300
personnalités demande aux imams de réinterpréter certains passages haineux du
Coran.
Les réactions sont
nombreuses à la suite de la parution, dimanche dans Le Parisien, d'un «manifeste contre le nouvel antisémitisme» alimenté,
selon les 300 signataires, par la «radicalisation islamiste». Rédigé par
Philippe Val, l'ancien directeur de Charlie
Hebdo, le texte dénonce une «épuration ethnique à bas bruit» dans
certains quartiers. «Dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d'être
assassinés - et certains torturés - parce que Juifs par des islamistes
radicaux», écrivent-ils notamment. «10 % des citoyens juifs d'Île-de-France - c'est-à-dire
environ 50.000 personnes - ont récemment été contraints de déménager parce
qu'ils n'étaient plus en sécurité dans certaines cités», dénoncent les
signataires de ce texte, parmi lesquels figurent Nicolas Sarkozy, trois anciens
premiers ministres, mais aussi des artistes comme Charles Aznavour ou Françoise
Hardy et des responsables des religions monothéistes, Mgr Joseph Doré, le grand
rabbin Haïm Korsia ou l'imam Hassen Chalghoumi.
Antisémitisme
: une réalité occultée ?
Débat sur le plateau de Points
de Vue , après le manifeste contre le nouvel antisémitisme, signé par une
quinzaine de personnalités..
.
Nous demandons que les versets
du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des
incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques
«Nous demandons que les
versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens
et des incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques,
comme le furent les incohérences de la Bible et l'antisémitisme catholique
aboli par Vatican II», exhortent ces personnalités. «On ne demande pas aux
autorités musulmanes de notre pays de revoir le Coran, car il est écrit
directement par le Prophète, explique Luc Ferry, ancien ministre de l'Éducation,
qui a signé la tribune. Mais qu'elles apportent une interprétation différente
des textes sacrés pour ne pas inscrire dans le marbre des mots qui appellent au
meurtre et à la haine.»
«Il faut remettre les
pendules à l'heure et revoir l'exégèse du Coran, car il s'agit d'une
interprétation qui date de IXe siècle, explique Mohamed Guerroumi,
musulman pratiquant et militant du dialogue interreligieux à Nantes, qui a
paraphé ce texte. La sourate 9 est très violente, les juifs ou mécréants étant
considérés comme des ennemis des musulmans. C'est ce qu'on enseigne en ce
moment aux jeunes musulmans en France.»
Une vision différente
de celle de Tareq Oubrou,
grand imam de Bordeaux, qui, lui, ne l'a pas signée. «Le fait de généraliser
l'idée que le Coran appelle au meurtre, c'est de la folie, note-t-il. Il y a
beaucoup de choses dans le Coran qui ne sont pas applicables aujourd'hui car elles
sont liées au contexte de l'époque. On ne peut être antisémite quand on est
musulman: deux tiers des prophètes de l'islam sont des juifs», assure Tareq Oubrou. Il est train de
rédiger sa propre tribune, qui sera «signée par de nombreux imams de France».
Parmi ses supporters, Kamel Kabtane, recteur de la
grande mosquée de Lyon. «C'est le terrorisme qui est à combattre, rappelle-t-il.
L'islam est une religion de paix. Ceux qui tuent d'autres personnes au nom de
l'islam sont des voyous, des jeunes paumés de banlieue qui ne connaissent rien
du Coran.» La Grande mosquée de Paris a dénoncé lundi un «procès injuste et
délirant» instruit aux Français musulmans par ce manifeste. Ce dernier présente
le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles». La
ministre de la Justice Nicole Belloubet a jugé qu'il
fallait «tout faire pour éviter une guerre des communautés», estimant que la
France «par construction est un pays de la mixité, de la cohésion».
«C'est l'islam radical
qui est visé dans ce manifeste, ce ne sont pas les musulmans, qui ont plutôt
intérêt à s'associer à cette démarche, souligne Francis Kalifat,
président du Crif (Conseil
représentatif des institutions juives de France). Les musulmans éclairés de
notre pays doivent remettre les choses en ordre et ne pas prendre de façon
littérale les textes sacrés mais les contextualiser.»
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Islam et
christianisme: les impasses du dialogue interreligieux
Le texte du Coran
contient plusieurs références précises au judaïsme. Certains hadiths, qui
relatent les actes et les paroles du prophète Mahomet, sont plus explicites. En
voici quelques-unes.
Coran 44.30 à 44.33
«Nous sauvâmes les Enfants d’Israël du
châtiment avilissant de Pharaon qui était hautain et outrancier. À bon escient
nous les choisîmes parmi tous les peuples de l’univers, et leur apportâmes des
miracles de quoi les mettre manifestement à l’épreuve.»
Coran 62.5
«L’image de ceux qui
ont été chargés de la Torah et qui, par la suite, ne s’en chargèrent point est
à la ressemblance de l’âne chargé de livres. Combien détestable est l’image de
ce peuple qui traite nos ayat de mensonges! Allah ne
dirige point le peuple des Injustes.»
Coran 9.29
«Combattez ceux qui ne
croient point en Allah ni au Dernier Jour, qui ne déclarent pas illicite ce
qu’Allah et son Apôtre ont déclaré illicite, qui ne pratiquent pas la religion
de Vérité, parmi ceux ayant reçu l’Écriture! Combattez-les jusqu’à ce qu’ils
payent la jizya, directement et alors qu’ils sont
humiliés.»
Tabari (839-923), une référence car
l’un des premiers historiens de l’islam et exégète du Coran.
«Le Prophète leur dit: Ô vous, singes et
cochons, comment avez-vous observé la volonté d’Allah? Les juifs répliquèrent:
Ô Muhammad, tu ne nous as jamais insultés, pourquoi le fais-tu aujourd’hui?
C’est Allah qui le fait, répondit le Prophète.»
Le Sahih
Muslim, l’un des six recueils de hadiths.
«L’Heure ne viendra pas
jusqu’à ce que les musulmans combattent les juifs et que les musulmans les
tuent ; jusqu’à ce que le juif se cache derrière un mur ou un arbre, et le
mur ou l’arbre diront: Ô musulman! Ô serviteur d’Allah! Voilà un juif derrière
moi. Viens et tue-le!»
Le Sahih
al-Bukhari,
l’un des six recueils de hadiths.
«Lorsque l’Envoyé de
Dieu (Mahomet, qui aurait été empoisonné par une juive, NDLR) fut frappé de la
maladie dont il mourut, […] Tandis qu’il était ainsi, il s’écria: “La
malédiction soit sur les juifs et sur les chrétiens qui ont pris comme temples les
tombeaux de leurs prophètes.”».
Par Mohamed Guerroumi - 26 avril 2018
https://www.causeur.fr/30-imams-radicalisation-le-monde-antisemitisme-150800
Des musulmans prient à la grande mosquée
de Strasbourg, août 2011. ©PATRICK HERTZOG / AFP
Il y a parfois des réactions malsaines et grand-guignolesques, des
indignations grotesques, des opinions ou des prises de position qui reflètent
bien plus l’indécence, l’hypocrisie et la mesquinerie, qu’un sentiment de bon
aloi et de sincérité, suscitant en moi une colère contenue accompagnée d’un
profond dégoût.
Dès la publication, dimanche dans Le Parisien, du « Manifeste contre le nouvel antisémitisme »,
signé par plus de 300 personnalités dont quelques-unes parmi les plus
controversées dans l’opinion publique, certains présomptueux dignitaires
autoproclamés, de cet islam de France qui ne veut plus rien dire, se sont
aussitôt offusqués en déversant leur acrimonie et leur algarade acerbe contre
ce manifeste, créant intentionnellement une confusion et une incompréhension
emplie de désinvolture parmi la population française de confession musulmane,
au prétexte fallacieux que cet appel à lutter contre le nouvel antisémitisme,
dont souffrent nos concitoyens juifs, préconiserait, selon ces pédantesques
dynastes de mosquées, l’abrogation pure et simple de certains versets du Coran.
Or, si j’ai co-signé ce manifeste en toute connaissance de cause,
au risque de me voir injurié et calomnié par quelques coreligionnaires excités,
ignorants et obtus, c’est justement parce qu’il offrait, aux musulmans sincères
attachés au Coran et
à Dieu Seul, l’opportunité de frapper un grand coup de pied dans tout ce
ramassis d’obsolescence sclérosée d’une religiosité islamique aliénante,
caractérisée par l’anachronisme et la désuétude de l’interprétation exégétique
du Coran,
entretenue par ces castes cléricales de la bigoterie islamiste, héritières de
la contrefaçon cultuelle les unes des autres.
Pourtant, le principe émanent dans le fondement de ce manifeste est
sans appel : tant que subsistera une moindre once d’antisémitisme en France, en
Europe et dans le monde, dans l’interprétation des Textes religieux, dans les
traditions cultuelles, culturelles et sociétales, dans la citoyenneté et dans
le respect de la dignité humaine, le racisme sous toutes ses formes et la
xénophobie ne disparaîtront jamais !
Craignant probablement de céder une part de leur autorité, fort illégitime
au demeurant, et de leurs privilèges implicitement acquis, une trentaine
d’imams se sont obligés à émettre et diffuser, mardi 24 avril dans Le Monde, une tribune par laquelle ils
dénoncent l’antisémitisme et le terrorisme en France, tout en proposant la main
sur le cœur, après leur longue et douteuse léthargie, de s’impliquer davantage « dans le combat républicain contre
ces phénomènes ».
Désireux de se distinguer nettement, par l’émission de leur
tribune, du « Manifeste contre le nouvel antisémitisme », ne manquant
pas d’exposer béatement leur tartuferie hypocrite, ils fustigent d’autres imams
en déclarant :
« Le courage nous oblige à le reconnaître. Beaucoup d’imams ne
réalisent pas encore les dégâts que pourraient provoquer leurs discours à cause
d’un déphasage par rapport à notre société et à notre époque, et dont ils
n’estiment pas les effets psychologiques nocifs sur des esprits
vulnérables. »
Oui, en effet, il faut bien du courage pour dire des âneries
pareilles. « C’est pas moi, c’est l’autre ».
« Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques
subversives de l’islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une
anarchie religieuse, gangrenant toute la société », ajoutent-ils dans un langage de sainteté. Pour eux, c’est une
situation « cancéreuse
à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment ».
Et n’oubliant pas au passage d’en rajouter une couche à leurs
ambitions et au statut social qu’ils s’octroient, les 30 signataires de cette
tribune des imams de France osent se permettre d’offrir leurs… services
après-vente, en quelque sorte :
« Nous voulons proposer notre expertise théologique aux
différents acteurs qui sont confrontés au phénomène de la radicalisation dans
les prisons, les établissements publics, fermés et ouverts, afin de répondre à
des aberrations religieuses par un éclairage théologique lorsque les arguments
avancés par les jeunes sont d’ordre religieux. Une expertise que seuls les
imams peuvent apporter ».
Ce collectif des 30 imams, autoproclamés experts théologiques,
oublient sciemment de préciser que la radicalisation islamiste, qui se nourrit
allègrement d’antisémitisme, ne peut être combattue sans procéder à un réexamen
de l’interprétation exégétique du Coran,
sans la désacralisation et la mise au rebut des textes apocryphes, ou la désanctification idolâtre de la spécieuse tradition
prophétique, sans une réforme en profondeur de l’islam.
Non, Messieurs les 30 imams, vous semblez une fois de plus avoir
raté le train. À dos d’ânes, vous parviendrez peut être à atteindre la bonne
direction, faute d’une destination théologique acceptable.
Les musulmans ne sont pas des bébés phoques : Pour en finir avec notre
déni !
Le 28 mars dernier, la marche
blanche en hommage à Mireille Knoll avait réuni des milliers de personnes à
Paris. LP/Guillaume Georges
Le 21
avril 2018 à 21h20, modifié le 2 mai 2018 à 15h24
Dans un livre à paraître mercredi chez
Albin Michel*, quinze intellectuels prennent la plume pour dénoncer le poison
de l'antisémitisme. L'ouvrage, préfacé par la philosophe Elisabeth de Fontenay,
est écrit avec l'énergie de la colère. Une colère qui prend aujourd'hui la
forme d'un manifeste qu'« Aujourd'hui en France Dimanche » a décidé de publier.
Elle grandit depuis la mort de Sarah Halimi, Parisienne de 65 ans
défenestrée après avoir été rouée de coups le 4 avril 2017. La justice a mis
plus de dix mois à reconnaître la circonstance aggravante de l'antisémitisme.
Le 23 mars, moins d'un an plus tard, dans le même arrondissement, au cœur de la
capitale, l'assassinat de Mireille Knoll, 85 ans, ravivait l'émotion
et l'indignation nées de l'affaire Halimi. L'enquête est en cours.
Plus de 250 signataires ont répondu à
l'appel rédigé par un collectif, dont Philippe Val, l'ancien directeur de «
Charlie Hebdo ». Parmi eux, l'ancien président de la République Nicolas
Sarkozy, trois anciens Premiers ministres, l'ex-maire de Paris Bertrand
Delanoë, des élus de tous bords, des représentants des différentes religions,
des intellectuels, des artistes…
« L'antisémitisme n'est pas l'affaire
des Juifs, c'est l'affaire de tous. Les Français, dont on a mesuré la maturité
démocratique après chaque attentat islamiste, vivent un paradoxe tragique. Leur
pays est devenu le théâtre d'un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se
répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique
que la récente marche blanche a contribué à rompre.
Lorsqu'un Premier ministre à la tribune
de l'Assemblée nationale déclare, sous les applaudissements de tout le pays,
que la France sans les Juifs, ce n'est plus la France, il ne s'agit
pas d'une belle phrase consolatrice mais d'un avertissement solennel : notre
histoire européenne, et singulièrement française, pour des raisons
géographiques, religieuses, philosophiques, juridiques, est profondément liée à
des cultures diverses parmi lesquelles la pensée juive est déterminante. Dans
notre histoire récente, onze Juifs viennent d'être assassinés - et certains
torturés - parce que Juifs, par des islamistes radicaux.
Pourtant, la dénonciation de l'islamophobie -
qui n'est pas le racisme anti-Arabe à combattre - dissimule les chiffres du
ministère de l'Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques
d'être agressés que leurs concitoyens musulmans. 10 % des citoyens juifs
d'Ile-de-France - c'est-à-dire environ 50 000 personnes - ont récemment été contraints
de déménager parce qu'ils n'étaient plus en sécurité dans certaines cités et
parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l'école de la République.
Il s'agit d'une épuration ethnique à bas bruit au pays d'Émile Zola et de
Clemenceau.
Pourquoi ce silence ? Parce que la
radicalisation islamiste - et l'antisémitisme qu'il véhicule - est considérée
exclusivement par une partie des élites françaises comme l'expression d'une
révolte sociale, alors que le même phénomène s'observe dans des sociétés aussi
différentes que le Danemark, l'Afghanistan, le Mali ou l'Allemagne… Parce qu'au
vieil antisémitisme de l'extrême droite, s'ajoute l'antisémitisme d'une partie
de la gauche radicale qui a trouvé dans l'antisionisme l'alibi pour transformer
les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse
électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur
au vote juif.
Or à la marche blanche pour Mireille
Knoll, il y avait des imams conscients que l'antisémitisme musulman est la plus
grande menace qui pèse sur l'islam du XXIème siècle et sur le monde de paix et
de liberté dans lequel ils ont choisi de vivre. Ils sont, pour la plupart, sous
protection policière, ce qui en dit long sur la terreur que font régner les
islamistes sur les musulmans de France.
En conséquence, nous demandons que les
versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens
et des incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques,
comme le furent les incohérences de la Bible et l'antisémite catholique aboli
par Vatican II, afin qu'aucun croyant ne puisse s'appuyer sur un texte sacré
pour commettre un crime.
Nous attendons de l'islam de France
qu'il ouvre la voie. Nous demandons que la lutte contre cette faillite
démocratique qu'est l'antisémitisme devienne cause
nationale avant qu'il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la
France. »
* « Le Nouvel Antisémitisme en France », Ed. Albin Michel, 213
p., 15 euros.
La liste des signataires
Eliette ABECASSIS ; Richard ABITBOL ; Ruth
ABOULKHEIR ; André ABOULKHEIR ; Laure ADLER ; Paul AIDANE ;
Waleed AL-HUSSEINI ; Mohamed ALI KACIM ;
Michèle ANAHORY ; François ARDEVEN ; Pierre ARDITI ; Janine
ATLOUNIAN ; Muriel ATTAL ; Charles AZNAVOUR ; Elisabeth
BADINTER ; Patrick BANTMAN ; Laurence BANTMAN ; Adrien
BARROT ; Stephane BARSACQ ; Maurice
BARTELEMY ; Stéphane BEAUDET ; Patrick BEAUDOUIN ; Annette
BECKER ; Florence BEN SADOUN ; Georges BENSOUSSAN ; Gérard
BENSUSSAN ; Alain BENTOLILA ; André BERCOFF ; Aurore
BERGE ; François BERLEAND ; Françoise BERNARD ; Florence
BERTHOUD ; Naem BESTANDJI ; Muriel
BEYER ; Jean BIRENBAUM ; Claude BIRMAN ; Joelle BLUMBERG ;
Marion BLUMEN ; Lise BOËLL ; Jeannette BOUGRAB ; Céline
BOULAY-ESPERONNIER ; Michel BOULEAU ; Laurent BOUVET ; Lise
BOUVET ; Fatiha BOYER ; Anne BRANDY ; Caroline BRAY-GOYON ;
Zabou BREITMAN ; Claire BRIERE-BLANCHET ;
Jean-Paul BRIGHELLI ; Pascal BRUCKNER ; Laura BRUHL ; Daniel
BRUN ; Carla BRUNI ; François CAHEN ; Séverine CAMUS ;
Jean-Claude CASANOVA ; Bernard CAZENEUVE ; Hassen CHALGHOUMI ;
Catherine CHALIER ; Elsa CHAUDUN ; Evelyne CHAUVET ; Ilana CICUREL ; Eric
CIOTTI ; Gilles CLAVREUL ; Brigitte-Fanny COHEN ; Marc
COHEN ; Jonathan COHEN ; Danielle COHEN-LEVINAS ; Antoine
COMPAGNON ; Jacqueline COSTA-LASCOUX ; Brice COUTURIER ; Fabrice
D’ALMEIDA ; Eliane DAGANE ; Gérard DARMON ; Marielle
DAVID ; William DE CARVALHO ; Elisabeth DE FONTENAY ; Xavier DE
GAULLE ; Bernard DE LA VILLARDIERE ; Bertrand DELANOË ; Richard
DELL’AGNOLA ; Chantal DELSOL ; Gérard DEPARDIEU ; Guillaume
DERVIEUX ; Patrick DESBOIS PERE ; Alexandre DEVECCHIO ; Bouna
DIAKHABY ; Marie-Laure DIMON ; Joseph DORE MGR ; Daniel
DRAÏ ; Michel DRUCKER ; Richard DUCOUSSET ; Stéphane
DUGOWSON ; Martine DUGOWSON ; Frédéric DUMOULIN ; David DUQUESNE ;
Frédéric ENCEL ; Raphaël ENTHOVEN ; Francis ESMENARD ; Christian
ESTROSI ; Elise FAGJELES ; Roger
FAJNZYLBERG ; Luc FERRY ; Alain FINKIELKRAUT ; Pascal
FIORETTO ; Marc-Olivier FOGIEL ; Renée FREGOSI ; Michel GAD
WOLKOWICZ ; Aliou GASSAMAL ; Lucile GELLMAN ; Jasmine
GETZ ; Sammy GHOZLAN ; Jean GLAVANY ; Bernard GOLSE ;
Roland GORI ; Marine GOZLAN ; Olivia GREGOIRE ; Mohamed
GUERROUMI ; Ghislaine GUERRY ; Olivier GUEZ ; Lydia
GUIROUS ; Talila GUTEVILLE ; Patrick
GUYOMARD ; Noémie HALIOUA ; Françoise HARDY ; Frédéric
HAZIZA ; Jean-Luc HEES ; Serge HEFEZ ; François HEILBRONN ;
Marie IBN ARABI-BLONDEL ; Aliza JOBES ;
Arthur JOFFE ; Michel JONASZ ; Christine JORDIS ; Dany
JUCAUD ; Liliane KANDEL KARIM ; David KHAYAT ; Catherine
KINTZLER ; Alain KLEINMANN ; Marc KNOBEL ; Haïm KORSIA ;
Julia KRISTEVA ; Rivon KRYGIER ; Estelle
KULICH ; Philippe LABRO ; Alexandra LAIGNEL-LAVASTINE ; Lilianne LAMANTOWICZ ; Jack LANG ; Joseph
LAROCHE ; Damien LE GUAY ; Daniel LECONTE ; Barbara
LEFEBVRE ; Yoann LEMAIRE ; Pierre LESCURE ; Bernard-Henri
LEVY ; Maurice LEVY ; Stéphane LEVY ; Michèle
LEVY-SOUSSAN ; Marceline LORIDAN-IVENS ; Christine LOTERMAN ;
Patrick LOTERMAN ; Enrico MACIAS ; Richard MALKA ; Wladi MAMANE ; Yves MAMOU ; Juliette
MEADEL ; Sylvie MEHAUDEL ; Yael MELLUL ;
Françoise-Anne MENAGER ; Daniel MESGUICH ; Richard METZ ; Habib
MEYER ; Radu MIHAILEANU ; Yann MOIX ; Antoine MOLLERON ;
Thibault MOREAU ; Jean-Jacques MOSCOVITZ ; Slim MOUSSA ; Laurent
MUNNICH ; Lionel NACCACHE ; Marc NACHT ; Aldo NAOURI ;
Xavier NIEL ; Sophie NIZARD ; Anne-Sophie NOGARET ; Karina
OBADIA ; Jean-Pierre OBIN ; Edith OCHS ; Christine ORBAN ;
Olivier ORBAN ; Marc-Alain OUAKNIN ; Yann PADOVA ; Brigitte
PASZT ; Dominique PERBEN ; André PERRIN ; Serge PERROT ;
Laurence PICARD ; Céline PINA ; François PINAULT ; Jean-Robert
PITTE ; Nidra POLLER ; Richard
PRASQUIER ; Michael PRAZAN ; Nadège PULJAK ; Jean-François
RABAIN ; Marianne RABAIN-LEBOVICI ; Ruben RABINOVITCH ;
Jean-Pierre RAFFARIN ; Christiane RANCE ; Jean-Jacques RASSIAL ;
Renaud RENAUD ; Jean-Louis REPELSKI ;
Solange REPLESKI ; Ivan RIOUFOL ; Jacob ROGOZINSKI ; Olivier ROLIN ;
Marie-Helène ROUTISSEAU ; Catherine ROZENBERG ;
Philippe RUSZNIEWSKI ; Boualem SANSAL ; Georges-Elia SARFAT ;
Nicolas SARKOZY ; Josiane SBERRO ; Jean-Paul SCARPITTA ; Eric-Emmanuel SCHMITT ; Dominique SCHNAPPER ;
André SENIK ; Joann SFAR ; Vadim SHER ; Stéphane SIMON ;
Patricia SITRUK ; Jean-François SOLAL ; Paule STEINER ;
Jean-Benjamin STORA ; Francis SZPINER ; Anne SZULMAJSTER ;
Pierre-André TAGUIEFF ; Maud TANACHNIK ; Jacques TARNERO ;
Michel TAUBER ; Daniel TECHNIO ; Julien TROKINER ; Cosimo
TRONO ; Monette VACQUIN ; Henri VACQUIN ; Philippe VAL ;
Caroline VALENTIN ; Manuel VALLS ; Sibyle
VEIL ; Jacques VENDROUX ; Natacha VITRAT ; Sabrina
VOLCOT-FREEMAN ; Régine WAINTRATER ; Laurent WAUQUIEZ ; Aude
WEILL-RAYNAL ; Simone WIENER ; Annette WIEVIORKA ; Jean-Pierre
WINTER ; Jacques WROBEL ; André ZAGURY ; Alain ZAKSAS ;
Paul ZAWADZKIv Marc ZERBIB ; Céline ZINS ;
Jean-Claude ZYLBERSTEIN.