Quand le Sénat se couche devant l’islam politique
Un camouflet passé inaperçu au cœur de
l'été
Par Jérôme Serri - 10 septembre 2020
https://www.causeur.fr/senat-islam-politique-ccif-uoif-181607
La sénatrice Nathalie Delattre (Parti
Radical - UDI), présidente de la Commission d'enquête sur la radicalisation
islamiste et les moyens de la combattre au Sénat SERGE POUZET/SIPA Numéro
de reportage: 00666204_000005
Les sénateurs n’ont pas de
courage, mais se réservent le droit d’en avoir un jour
« Élections sénatoriales, c’est parti », titrait le 4
septembre dernier sur son site la chaîne parlementaire Public Sénat.
Comment ne pas soupçonner que c’est pour ces élections, qui auront lieu le 27
septembre prochain, qu’ont été bâclées les élections municipales ? Les
élus locaux étant les grands électeurs des élections sénatoriales, le Président
du Sénat ne pouvait que s’inquiéter qu’elles pussent être différées. Lors du
premier tour des municipales, certains responsables politiques ne lui ont-ils
pas imputé la faible participation des citoyens à ce scrutin (44,66%) ? Le
second tour sera pire, avec une participation de 41,6%.
Gérard Larcher (LR), président du Sénat. SIPA. 00785150_000017
Crise sanitaire et économique aidant, jamais campagne sénatoriale n’aura
démarré sur fond d’une telle défiance à l’égard des responsables politiques.
Cette crise de confiance ne date pas du mensonge sur les masques de
responsables politiques sans vergogne. Depuis des années, la perte de vue de l’intérêt
du pays et le manque de courage des gouvernements successifs détournent nos
concitoyens des urnes.
Le Sénat et l’ensauvagement
Laissons les politiques faire semblant de s’interroger sur les raisons
de cette crise ! Jetons plutôt un œil dans les coulisses de leur petit
théâtre démocratique de plus en plus déserter ! Comme on va le voir, ils
sont les premiers à laisser filer en douce « l’État de
droit ».
Le 28 août le Président du Sénat fustigeait « l’échec » et « l’impuissance
de l’État régalien » face aux violences. Candidat à sa propre
succession, un président de chambre ne peut que pointer du doigt cet échec et
cette impuissance. « C’est un été où l’on a donné le
sentiment que l’État de droit est en recul », a-t-il
ajouté. Que faire ? Faire croire aux élus qui voteront fin septembre qu’on
est à la pointe du combat pour la défense du « pacte
républicain ». Bref, feindre que l’on agit. La vieille ficelle de la
gesticulation ! Gérard Larcher décroche donc son téléphone et demande
audience au Premier ministre. Il veut de toute urgence évoquer avec lui la
question de la sécurité. Ne rêvons pas ! rien ne changera, mais le
Président Larcher aura « bougé », répondant ainsi par avance aux
reproches d’immobilisme qui pourraient lui être faits durant ses prochaines
réunions sur le terrain avec les élus.
Au lieu de déplorer « le recul de l’État de
droit » et de passer un coup de fil à Jean Castex, le Président
Larcher aurait été mieux inspiré en balayant devant la porte de son Palais du
Luxembourg. Examinons ce qu’il s’est passé lors de la commission d’enquête
sénatoriale sur la radicalisation islamiste. C’est atterrant !
« Nous nous réservons le
droit d’envisager des suites »
Plus qu’en lisant le rapport, c’est en prenant connaissance du compte
rendu de sa présentation le 7 juillet dernier devant les membres de la
commission d’enquête que l’on découvre le pot aux roses :
Mme
Nathalie Delattre, présidente (RDSE –
Rassemblement Démocratique et Social Européen). « – Deux auditions
n’ont pu se dérouler dans de bonnes conditions. La première, celle du Collectif
contre l’islamophobie en France (CCIF), nous a mis face à deux personnes
envoyées par l’association, mais qui n’en étaient pas représentantes
– c’était au moins le cas pour l’une des deux. Nous avons écrit au CCIF,
qui nous a répondu qu’il pensait pouvoir nous recommander des personnes à
rencontrer, mais qu’il ne pensait pas que c’était lui-même que nous souhaitions
auditionner. Chose extraordinaire ! La réponse édifiante, et par ailleurs
victimaire, du CCIF est révélatrice. Je vous propose que nous l’annexions à
notre rapport.
Jean-Yves
Leconte (SOCR – Socialiste et Républicain). « – N’est-ce pas
obligatoire de se présenter devant la commission d’enquête ?
Mme Nathalie Delattre « – Oui, c’est une
obligation à laquelle on ne peut se soustraire. Nous nous réservons le
droit d’envisager des suites. L’autre audition qui n’a pu se tenir est
celle du président de l’ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF),
aujourd’hui Musulmans de France, qui était injoignable, prétextant que le
secrétariat n’était pas ouvert à cause de la crise sanitaire. Même les
ministres se sont rendus disponibles dans un calendrier contraint. Je souhaite
que cet état de fait soit noté dans notre dossier. »
La formule est stupéfiante : « Nous nous réservons le
droit d’envisager des suites ». Elle signifie en langage moins choisi
: « Nous nous sommes couchés, mais nous nous réservons le droit de nous
relever ». Soyons sérieux ! On est courageux ou on ne l’est pas, mais
on n’envisage pas de le devenir. Quelles sont ces « suites » dont
parle la présidente en se gardant de les rappeler ? « La personne
qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une
commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500
euros d’amende » (Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : Art.6 modifié
par Ordonnance n°2014-158 du 20 février 2014).
La démocratie des slogans
Un autre sénateur, Alain Cazabonne (UC
– Union Centriste), revient un peu plus loin sur la question des
« suites » à donner à cette non-comparution : « Quant aux
personnes qui ne sont pas venu témoigner devant notre commission, il faut
marquer le coup. » La présidente n’y prêtera même pas attention.
En revanche, elle saluera « le travail de la rapporteure [Jacqueline Eustache-Brinio (LR)]
conduit avec courage ». Dans la classe politique, le courage n’est
plus une vertu. Il n’est qu’un mot qui sert à flatter les collègues. Difficile
de ne pas se souvenir devant un tel « recul de l’État de
droit » du slogan de campagne de Gérard Larcher lors des
élections sénatoriales de 2014 : « Le Sénat peut relever la
République ». Difficile également pour les électeurs de droite de ne
pas être désemparés en l’entendant déclarer à la tribune de l’Université d’été
des Républicains (LR) à la Baule : « Les Français veulent que
cela change, mais ils ne savent pas encore d’où viendra ce changement. C’est nous
qui devrons l’incarner ! » Quelle feuille de route ! Quand, en
politique, il est devenu plus important de monter à la tribune que d’avoir
quelque chose à dire, c’est que l’on est au bord de la rupture.
A lire aussi : Les musulmans et Charlie Hebdo? Comme-vous-et-moi!
Ce que savent les Français, c’est qu’il n’y aura de changement dans
notre pays qu’avec un homme ou une femme ayant montré qu’il avait eu un jour du
courage. Gérard Larcher avait annoncé qu’il réunirait les présidentiables de la
droite pour examiner selon quelle méthode son parti départagerait les
candidats. Il perd son temps. Les Français savent que la fumée blanche ne
sortira pas d’un palais où les politiques se révèlent incapables d’empêcher que
la loi de la République soit bafouée par le CCIF et l’ex-UOIF dans l’enceinte
même où elle a été votée. Il en sortira tout juste un nouvel enfumage. De
nouveaux malheurs continueront de s’abattre sur la France.
Soumission
Le 2 septembre la Cour d’assises spéciale du Tribunal de Paris a ouvert
le procès des attentats commis les 7 et 9 janvier 2015 au siège de Charlie
Hebdo (12 morts, 11 blessés) et à l’Hyper Cacher de la porte de
Vincennes (4 morts, 5 blessés), sans oublier l’assassinat le 8 janvier à
Montrouge d’une jeune policière municipale.
Que les sénateurs lisent les comptes rendus d’audience : « …
Coco a raconté comment elle avait quitté la salle de rédaction à 11h20 pour
aller fumer une cigarette avec Angélique avant d’aller chercher sa fille à la
crèche. Les deux Kouachi surgissent au moment où elles sortent de la cage
d’escalier, ils braquent leur arme sur Coco, qu’ils ont reconnue et qu’ils
prennent en otage afin qu’elle les mène à Charb :
« On veut Charlie Hebdo, on veut Charb ! »
Ils menacent Angélique : « Toi tu restes là. » Coco raconte
cette ascension vers les locaux de Charlie comme les étapes d’une destruction
personnelle qui va entraîner une destruction collective… »
Le mercredi 7 janvier 2015, une demi-heure plus tard, à midi, le
Président Gérard Larcher s’est rendu sur les lieux du massacre de la rédaction
du journal satirique. Ce même jour, quelques heures plus tôt, à 9 heures, était
mis en place dans toutes les librairies de France, le livre de Michel
Houellebecq, Soumission.
Ce titre pourrait être celui du rapport du Sénat.
Darmanin et les islamistes: jeux de dupes
Ces hussards noirs qu’on sacrifie