Quatre ans après Charlie
Hebdo, Riss témoigne :
« L’époque est fragile pour la démocratie »
·
Par Claire
Bommelaer
·
Mis à jour le 07/01/2019 à 18 :16
·
Publié le 07/01/2019 à 17 :48
·
INTERVIEW - « On a presque fini par oublier ce qu'a signifié ce qui nous est
arrivé. Une partie des Français trouvent que Charlie exagère
», s'alarme le rédacteur en chef de l'hebdomadaire qui publie cette semaine un
numéro spécial.
Quatre ans après les attentats qui ont fait douze morts dans la rédaction, le
numéro spécial de Charlie
Hebdo, baptisé « Le retour des anti-lumières» est sombre. À la une,
et sur fond noir, un évêque et un imam soufflent sur la flamme d'une bougie,
dont la lumière éclaire le dessin qui avait fait la une du numéro du 14 janvier
2015, « Tout est pardonné ». Dans son édito, le rédacteur en chef, Riss,
interroge : « Êtes-vous encore là? ». Aujourd'hui, « le moment est venu pour les
lecteurs de se battre pour les valeurs de liberté », explique-t-il au Figaro.
LE FIGARO. - Vous faites votre édito sur les Lumières. Ce n'est pas un peu
dépassé, comme notion ?
RISS.
- C'est
un hommage à ce qui nous a permis d'exister. Les Lumières ont engendré la
démocratie. Et la presse est née de là. Sans liberté d'expression, il n'y a pas
de Charlie
Hebdo. C'est donc à nous de faire vivre les lumières. À nous, mais à
nous tous. Un journal satirique, c'est comme le canari des mineurs. Lorsqu'on ne
l'entend plus chanter, c'est que le danger est très proche.
Quatre ans après les attentats, où en est cette liberté qui vous est si chère ?
L'ambiance est paradoxale. La menace terroriste semble s'être éloignée, ne
serait-ce que parce que l'État islamique a perdu du terrain. Mais c'est une
illusion. L'idéologie intégriste gagne du terrain. Les religions reviennent en
force et brouillent les cartes. L'intégrisme est aussi le fait d'intellectuels,
qui scient la branche sur laquelle ils sont assis. Sans la liberté d'expression,
comment pourront-ils faire passer leurs idées, même mortifères ? Quatre ans
après le drame du 7 janvier, on a presque fini par oublier ce qu'a signifié ce
qui nous est arrivé. Une partie des Français trouvent que Charlie «
exagère », et nous disent : « faudrait peut-être passer à autre chose ». Ils ne
voient pas que l'époque est fragile pour la démocratie.
Dans ce numéro spécial, le rire est grinçant. Et votre édito est véhément. Que
cherchez-vous à dire ?
Nous ne sommes pas qu'une bande de joyeux potaches. Lorsque l'on est à Charlie,
on ne peut plus être dans la demi-mesure. Il faut être combatif,
engagé, essayer de galvaniser le lecteur. C'est aussi à lui de se battre pour
les valeurs de liberté. Alors, nous lui posons la question : quelle société
veut-il ?
Comment se porte le titre ?
L'hebdomadaire se vend encore plutôt bien, avec 30.000 ventes en kiosques et
30.000 abonnements. Mais il est clair que nous devrons réfléchir à son avenir,
notamment électronique. À terme, il faudra peut-être réfléchir à faire entrer
d'autres personnes, dans la rédaction ou dans le capital. Ce n'est pas évident :
être à Charlie
Hebdo est forcément un engagement.
Par
Elisabeth Lévy
Le
https://www.causeur.fr/charlie-hebdo-janvier-quatre-ans-158009
Hommage à Charlie Hebdo le 15 janvier 2015 dans Paris. ©JOËL SAGET / AFP
Où est passée la France du 11 janvier ? Quatre ans après l’attentat de Charlie
Hebdo, la rédaction du journal vit dans un bunker, l’islamisme gagne
toujours du terrain et de plus en plus de sujets sont décrétés indiscutables.
Bref, on ne rigole plus du tout. L’édito d’Elisabeth Lévy.
Il y a quatre ans, les rues de France étaient pleines d’une foule sortie
spontanément, brandissant des stylos ou des bougies, pour dire son refus de
céder sur sa liberté de penser et de déconner. « Je suis Charlie » : en quelques
jours, ce cri silencieux bordé de noir se répandait dans tout le pays ou
presque, qui défilait pour sa liberté le 11 janvier. La France est debout,
juraient les gouvernants.
Avec le temps tout s’évanouit…
On ne peut pas commémorer éternellement. Quatre ans et une quinzaine d’attentats
plus tard, les oursons, les bougies et les incantations sentimentales ne sont
plus de mise. On ne s’en plaindra pas, même si on aurait aimé qu’Emmanuel Macron
se saisisse de cette occasion pour honorer le journal martyr, dont il n’a pas
cru bon, depuis son élection, de prononcer publiquement le nom. Les cérémonies
se font plus sobres, les articles sont relégués en pages intérieures et, dans
les émissions de télé et de radio, le sujet n’arrive qu’en troisième ou
quatrième position, après les gilets jaunes et le procès Barbarin. C’est la loi
de l’actualité. On n’oublie pas Cabu, Charb, Honoré, Marris, Tignous, Wolinski
et toutes les autres victimes. On se rappelle souvent, à mille petites choses, à
quel point le monde est moins joyeux sans eux. La vie, évidemment, a repris ses
droits.
À lire aussi : La
guerre contre Charb aura bien lieu…
Ce lent travail du temps peut attrister, mais il n’a rien de choquant. Ce qui
enrage, c’est que la France n’est plus du tout Charlie. Quatre ans après le 7
janvier 2015, elle semble avoir collectivement oublié les raisons qui l’ont fait
descendre dans la rue le 11 janvier. Nous défendions, disons-nous, le droit
séculaire de la France laïcarde de bouffer du curé de toute obédience. Face à la
volonté affichée par l’islam radical de faire taire toute critique et d’étouffer
toute dissidence par la menace et l’intimidation, la France de la liberté
d’expression, l’un des droits les plus précieux de l’homme selon la Déclaration
de 1789, résisterait, c’était juré. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.
Au royaume des peureux, l’islamisme est roi
La rédaction de Charlie Hebdo vit dans un bunker (payé par ses soins),
des dizaines de personnes, menacées par des djihadistes, sont toujours sous
protection policière. Philippe Val, qui publia en 2006 les caricatures de
Mahomet, a vu sa protection drastiquement renforcée au printemps après avoir
initié une pétition contre l’antisémitisme demandant aux Musulmans de se livrer
à une réinterprétation de leurs textes. En décembre, Zineb
el Rhazoui, une ancienne de Charlie qui vit également sous
haute protection, a reçu des flopées de menaces pour avoir déclaré, sur le
plateau de Pascal Praud : « Il faut que l’islam se soumette à la critique, à
l’humour, aux lois de la République, au droit français. »
Il est fort probable que, si un journal s’avisait aujourd’hui de publier des
caricatures de Mahomet, tout le monde hurlerait à la provocation. On nous
expliquerait qu’il est mal de se moquer de la religion des autres, et que c’est
le vieux racisme français qui explique cette inquiétude à l’égard de l’islam. De
toute façon, personne ne le fera, car tout le monde a peur. Il est vrai que,
quand on n’est pas musulman de naissance, on peut écrire à peu près ce qu’on
veut sur le sujet, y compris dans des romans. Hier le fanatisme islamiste s’en
prenait à Salman Rushdie. Aujourd’hui, il concentre sa haine sur les images,
seules capables d’enflammer des foules d’un bout à l’autre du monde musulman. Il
continue à se nourrir de notre lâcheté et de notre indifférence. Et, dans nos
banlieues, à séduire une fraction notable de la jeunesse (près de la moitié des
lycéens musulmans selon une enquête du CNRS). On ne va pas se prendre la tête
avec des problèmes pour lesquels on n’a pas de solution simple comme un slogan.
« Sur le front de la liberté d’expression, la situation est désastreuse »
Du coup, avec le recul, toute cette fièvre, toute cette union, toute cette
résistance sonnent terriblement faux. Rien ne sera plus comme avant, tu parles
Charles. En vérité, comme l’observe Richard
Malka, l’avocat de Charlie qui, en 2007, plaida et gagna l’affaire
des caricatures devant la justice, tout est pire : « Sur le front de la
liberté d’expression, la situation est désastreuse. Entre politiquement correct,
invectives, et peur physique, il n’y a plus de place pour la libre
discussion. Et ne parlons pas du blasphème ou de la critique des religions. » On
assiste plutôt à une extension permanente du domaine de l’intolérance et de
l’interdit.
On ne rigole plus du tout
De ce point de vue le mouvement des gilets jaunes a, dans ses marges, révélé un
climat qui gagne du terrain, galvanisé par les réseaux sociaux: on menace de
mort toute tête qui dépasse ou qui vous déplaît, on tabasse un gendarme.
L’adversaire est un ennemi à abattre. Certes, il s’agit seulement de quelques
notes de terreur, qui suscitent immanquablement un concert indigné. On ne sache
pas que l’indignation ait jamais vaincu les éructations. Rien à voir avec
Charlie, dira-t-on. Sauf que, comme type individuel, le casseur/tabasseur
chauffé à blanc, qu’il soit nazillon, ultra-gauchiste ou juste aveuglé par sa
haine du « système », a quelques points communs avec la racaille convertie au
djihad.
Enfin, le fanatisme, comme la soumission sont un état d’esprit qui peut
embrasser bien des objets. On commence par avoir peur de parler de l’islam, puis
ce sont les femmes, le climat ou la corrida qui sont soustraits au champ de la
libre discussion. Et à la fin, non seulement on ne pense plus rien mais on ne
rigole plus du tout.
Alors, mon cher Charb,
passe le message aux copains : il y a des jours où on se dit que vous ne ratez
pas grand-chose.
Lettre
aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes
EUR 3,00
EUR 22,00
Détruire le fascisme islamique
EUR 6,90
Quatre ans après l'attentat, « Charlie Hebdo » fustige le retour des
obscurantistes
Dans un édito intitulé « Vous êtes encore là ? », l'hebdomadaire déplore que
« la situation à l'égard du totalitarisme islamiste n'ait fait que se dégrader.
Source AFP
Publié le 05/01/2019 à 14:17 | Le Point.fr
« Ce ne sont pas seulement nos histoires personnelles (qu'on oublie), c'est
aussi ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé. On a l'impression qu'on tourne le
dos à ça, alors qu'à notre avis ces phénomènes de réactions rétrogrades sont
toujours présents, encore plus qu'il y a 4 ou 5 ans », explique le directeur de
la rédaction.
© AFP/ Simon Guillemin
« Vous êtes encore là ? » Quatre ans après l'attentat contre Charlie Hebdo,
« beaucoup se sont déjà lassés » des combats du journal satirique, dénonce
l'hebdomadaire dans un numéro commémoratif en kiosque ce samedi. La couverture
montre sur fond noir un évêque et un imam soufflant sur la flamme d'une bougie,
dont la lumière éclaire le dessin qui avait fait la une du numéro historique
du 14 janvier 2015, « Tout est pardonné ».
« Ce ne sont pas seulement nos histoires personnelles (qu'on oublie), c'est
aussi ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé. On a l'impression qu'on tourne le
dos à ça, alors qu'à notre avis ces phénomènes de réactions rétrogrades sont
toujours présents, encore plus qu'il y a quatre ou cinq ans », explique à
l'Agence France-Presse Riss, directeur de la rédaction et auteur du dessin de
une. « Ce n'est plus uniquement une hostilité qui vient d'extrémistes religieux,
mais aussi d'intellectuels », s'inquiète-t-il.
Deux numéros cette semaine le traditionnel du mercredi 2 janvier et le numéro
spécial du 5 janvier !
Merci
@Charlie_Hebdo_
« Tout
est devenu blasphématoire »
Dans un édito coup de poing intitulé « Vous êtes encore là ? », il déplore que
« depuis quatre ans, la situation à l'égard du totalitarisme islamiste n'ait
fait que se dégrader. Comme la créature d'Alien qui pond ses œufs sans
interruption, le blasphème a fait des petits. (...) Tout est devenu
blasphématoire. » Hormis l'édito, le numéro spécial fait peu mention de
l'attentat du 7 janvier 2015 au cours duquel deux islamistes radicaux avaient
tué 12 personnes (11 dans les locaux du journal, qui a depuis déménagé), parmi
lesquelles des figures emblématiques comme les dessinateurs Cabu,
Wolinksi, Honoré, Tignous, l'ex-directeur de la rédaction Charb et l'économiste Bernard
Maris.
Sur la double page centrale, un dessin de Juin montre des « obscurantistes » en
train de célébrer l'anniversaire de l'attentat : on y voit notamment le pape,
plusieurs membres de la famille Le Pen, Dieudonné, Éric
Zemmour, Donald
Trump, l'animateur TV Cyril
Hanouna ou encore l'écrivain Michel Houellebecq, que l'hebdo
avait caricaturé en une du numéro du 7 janvier 2015. « Que le dernier qui s'en
va éteigne les Lumières en partant, même s'il n'y voit rien... », écrit le
journaliste Philippe Lançon, primé
cette année pour Le Lambeau , livre dans lequel il raconte sa
reconstruction après l'attentat. « À Charlie, dans notre modeste petite
maison francophone, les frères K. ont essayé d'éteindre les lumières, avec et
sans majuscule, en entrant puis en sortant. Ils ont failli réussir, mais ils ont
tout de même oublié quelques lampes », poursuit-il.
Procès en 2020 ?
Du côté judiciaire, l'enquête est close et un procès
devrait avoir lieu en 2020. Le journal a salué la récente
arrestation de Peter Cherif, djihadiste proche des frères
Kouachi dont le nom est cité dans l'enquête, mais qui n'est toutefois pas visé
par un mandat d'arrêt dans le cadre de l'attentat. Si le procès est très attendu
par l'équipe du journal, « on n'est même pas sûrs que, une fois ce parcours
judiciaire achevé, nous retrouverons une vie normale », souligne Riss. L'année
passée, le journal avait déploré les coûts exorbitants de sa protection, de plus
d'un million d'euros par an entièrement à sa charge. La situation n'a pas évolué
même si, entre-temps, des responsables du gouvernement ont reçu l'équipe de Charlie pour
tenter d'améliorer la situation, explique Riss.
Si le journal se vend encore plutôt bien, avec 30 000 ventes en kiosque
et 30 000 abonnements, il était déficitaire en 2017, selon des chiffres publiés
par BFM Business. « On a fait en sorte de réduire les charges », indique Riss,
qui cherche également à faire entrer de nouveaux actionnaires pour notamment
préparer sa succession : « Il faut qu'ils soient prêts parce que la tâche n'est
pas simple », prévient-il. Son souhait pour 2019 ? « Continuer à faire réfléchir
nos lecteurs, leur donner de l'espoir, les rendre combatifs, car il ne faut pas
qu'on soit dans la sinistrose ou la déprime même s'il y a des choses qui nous
inquiètent. »
"Vous êtes encore là ?", s'interroge Charlie Hebdo, 4 ans après l'attentat
Le 5 janvier 2019, modifié à 09h36 , le 5 janvier 2019
Dans un numéro commémoratif en kiosques ce samedi, Charlie Hebdo dresse
quatre ans après l'attentat le portrait sombre d'une société française
"anti-Lumières".
La une du numéro spécial du 5 janvier 2019. (DR.)
La couverture de ce numéro commémoratif de Charlie Hebdo fait écho à la
une du numéro historique du 14 janvier 2015 : sur fond noir, un évêque et un
imam soufflent sur la flamme d'une bougie, dont la lumière éclaire le titre de
l'époque, "Tout est pardonné". "Ce ne sont pas seulement nos histoires
personnelles (qu'on oublie), c'est aussi ce qu'a signifié ce qui nous est
arrivé. On a l'impression qu'on tourne le dos à ça, alors qu'à notre avis ces
phénomènes de réactions rétrogrades sont toujours présents, encore plus qu'il y
a 4 ou 5 ans", a expliqué à l'AFP Riss, directeur de la rédaction et auteur du
dessin de une.
"Tout est devenu blasphématoire", déplore Riss
"Ce n'est plus uniquement une hostilité qui vient d'extrémistes religieux mais
aussi d'intellectuels", s'inquiète-t-il. Dans un édito coup de poing, intitulé
"Vous êtes encore là?", il déplore que "depuis quatre ans, la situation à
l'égard du totalitarisme islamiste n'a fait que se dégrader. Comme la créature
d'Alien qui pond ses oeufs sans interruption, le blasphème a fait des petits.
[...] Tout est devenu blasphématoire".
Hormis l'édito, le numéro spécial fait peu mention de l'attentat du 7 janvier
2015 au cours duquel deux islamistes radicaux avaient tué 12 personnes (11 dans
les locaux du journal, qui a depuis déménagé), parmi lesquelles des figures
emblématiques comme les dessinateurs Cabu, Wolinksi, Honoré, Tignous,
l'ex-directeur de la rédaction Charb et l'économiste Bernard Maris.
Des "obscurantistes" qui célèbrent l'anniversaire de l'attentat
Sur la double page centrale, un dessin de Juin montre des "obscurantistes" en
train de célébrer l'anniversaire de l'attentat : on y voit notamment le Pape,
plusieurs membres de la famille Le Pen, Dieudonné, Eric Zemmour, Donald Trump,
l'animateur TV Cyril Hanouna ou encore l'écrivain Michel Houellebecq, que
l'hebdo avait caricaturé en une du numéro du 7 janvier 2015.
Les frères K. ont essayé d'éteindre les lumières. Ils ont failli réussir, mais
ils ont tout de même oublié quelques lampes
"Que le dernier qui s'en va éteigne les Lumières en partant, même s'il n'y voit
rien...", écrit le journaliste Philippe
Lançon, primé cette année pour Le Lambeau, livre dans lequel
il raconte sa reconstruction après l'attentat. "A Charlie, dans notre modeste
petite maison francophone, les frères K. ont essayé d'éteindre les lumières,
avec et sans majuscule, en entrant puis en sortant. Ils ont failli réussir, mais
ils ont tout de même oublié quelques lampes", poursuit-il, dans un billet
intitulé "Il faudrait changer les ampoules".
Un procès devrait avoir lieu en 2020
Du côté judiciaire, l'enquête est close et un procès devrait avoir lieu en 2020.
S'il est très attendu par l'équipe du journal, "on n'est même pas sûrs que, une
fois ce parcours judiciaire achevé, nous retrouverons une vie normale", souligne
Riss.
L'année passée, le journal avait déploré les coûts exorbitants de sa protection,
de plus d'un million d'euros par an entièrement à sa charge. La situation n'a
pas évolué même si entre-temps des responsables du gouvernement ont reçu
l'équipe de Charlie pour tenter d'améliorer la situation, explique Riss. Si le
journal se vend encore plutôt bien, avec 30.000 ventes en kiosques et 30.000
abonnements, il était déficitaire en 2017 selon des chiffres publiés par BFM
Business. "On a fait en sorte de réduire les charges", indique Riss, qui cherche
également à faire entrer de nouveaux actionnaires pour notamment préparer sa
succession : "Il faut qu'ils soient prêts parce que la tâche n'est pas simple",
prévient-il.
Son souhait pour 2019 ? "Continuer à faire réfléchir nos lecteurs, leur donner
de l'espoir, les rendre combatifs, car il ne faut pas qu'on soit dans la
sinistrose ou la déprime même s'il y a des choses qui nous inquiètent."
(Avec AFP)
COMMÉMORATION
Quatre ans après l’attentat, Charlie Hebdo dénonce le retour des obscurantistes
Par LIBERATION,
(avec AFP) — 5
janvier 2019 à 06:00 (mis à jour à 07:50)
Des fleurs et des bougies sont déposées devant les locaux de Charlie Hebdo à
Paris en hommage aux victimes de l'attentat, le 11 janvier 2015 Photo
Joël SAGET. AFP
Quatre
ans après l’attentat, Charlie Hebdo dénonce le retour des obscurantistes
Quatre ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, «
beaucoup se sont déjà lassés » des combats du journal satirique:
amer, l’hebdomadaire dresse le portrait sombre d’une société française «anti-Lumières» dans
un numéro commémoratif en kiosques ce samedi.
La couverture de ce numéro spécial montre sur fond noir un évêque et un imam
soufflant sur la flamme d’une bougie, dont la lumière éclaire le dessin qui
avait fait la une du numéro
historique du 14 janvier 2015, «Tout est pardonné».
« Ce ne sont pas seulement nos histoires
personnelles (qu’on oublie), c’est aussi ce qu’a signifié ce qui nous est
arrivé. On a l’impression qu’on tourne le dos à ça, alors qu’à notre avis ces
phénomènes de réactions rétrogrades sont toujours présents, encore plus qu’il y
a 4 ou 5 ans »,
explique à l’AFP Riss, directeur de la rédaction et auteur du dessin de une. «
Ce n’est plus uniquement une hostilité qui vient d’extrémistes religieux mais
aussi d’intellectuels », s’inquiète-t-il.
Dans un édito coup de poing, il déplore que «
depuis quatre ans, la situation à l’égard du totalitarisme islamiste n’a fait
que se dégrader […] le blasphème a fait des petits […] Tout est devenu
blasphématoire ».
Hormis l’édito, le numéro spécial fait peu mention de l’attentat du 7 janvier
2015 au cours duquel deux islamistes radicaux, les frères Kouachi, avaient tué
12 personnes, parmi lesquelles les dessinateurs Cabu, Wolinksi, Honoré, Tignous,
l’ex-directeur de la rédaction Charb et l’économiste Bernard Maris.
A lire aussi : Cabu
et Wolinski, nos tours jumelles
Sur la double page centrale, un dessin de juin montre des «
obscurantistes » en train de célébrer l’anniversaire de l’attentat :
on y voit notamment le Pape, des membres de la famille de la cheffe de file de
l’extrême droite Marine Le Pen, Donald Trump ou l’écrivain Michel Houellebecq,
que l’hebdo avait caricaturé en une du numéro du 7 janvier 2015.
Procès en 2020 ?
«Que le dernier qui s’en va éteigne les Lumières en partant, même s’il n’y voit
rien…»,
écrit le journaliste Philippe Lançon, primé cette année pour Le
Lambeau, livre dans lequel il raconte sa reconstruction
après l’attentat. «
À Charlie, dans notre modeste petite maison francophone, les frères K. ont
essayé d’éteindre les lumières, avec et sans majuscule, en entrant puis en
sortant. Ils ont failli réussir, mais ils ont tout de même oublié quelques
lampes », poursuit-il.
A lire aussi : «Le
Lambeau», réparer le vivant
Du côté judiciaire, l’enquête est close et un procès devrait avoir lieu en 2020.
Le journal a salué la récente arrestation de Peter Cherif, jihadiste proche des
frères Kouachi dont le nom est cité dans l’enquête mais qui n’est pas visé par
un mandat d’arrêt dans le cadre de l’attentat.
Si le procès est très attendu par l’équipe du journal, «
on n’est même pas sûrs que, une fois ce parcours judiciaire achevé, nous
retrouverons une vie normale », souligne Riss. L’année passée, le
journal avait déploré les coûts de sa protection, plus d’un million d’euros par
an entièrement à sa charge.
Si l’hebdomadaire se vend encore plutôt bien, avec 30 000 ventes en kiosques et
30 000 abonnements, il était déficitaire en 2017 selon des chiffres publiés par
BFM Business.
En 2019, Riss souhaite cependant «
continuer à faire réfléchir nos lecteurs, leur donner de l’espoir, les rendre
combatifs, car il ne faut pas qu’on soit dans la sinistrose ou la déprime même
s’il y a des choses qui nous inquiètent ».